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campement.

À l’ouest, courait une terre très accidentée, dont on ne voyait pas l’extrémité, et que baignait à l’est une mer sans limites.

Étions-nous sur une grande île ou sur le continent antarctique, il eût été impossible de résoudre la question.

Il est vrai, en fixant plus attentivement dans la direction de l’est la lorgnette marine, le capitaine Len Guy crut apercevoir quelques vagues contours, qui s’estompaient entre les légères brumes du large.

« Voyez », dit-il.

Le bosseman et moi, nous prîmes tour à tour l’instrument et nous regardâmes avec soin.

« Il me semble bien, dit Hurliguerly, qu’il y a là comme une apparence de côte…

— Je le pense aussi, répondis-je.

— C’est donc bien un détroit, à travers lequel nous a conduits la dérive, conclut le capitaine Len Guy.

— Un détroit, ajouta le bosseman, que le courant parcourt du nord au sud, puis du sud au nord…

— Alors ce détroit couperait donc en deux le continent polaire ?… demandai-je.

— Nul doute à cet égard, répondit le capitaine Len Guy.

— Ah ! si nous avions notre Halbrane ! » s’écria Hurliguerly.

Oui… à bord de la goélette — et même sur cet ice-berg, maintenant à la côte comme un navire désemparé, — nous aurions pu remonter encore de quelques centaines de milles… peut-être jusqu’à la banquise… peut-être jusqu’au cercle antarctique… peut-être jusqu’aux terres avoisinantes !… Mais nous ne possédions qu’un fragile canot, pouvant à peine contenir une douzaine d’hommes, et nous étions vingt-trois !…

Il n’y avait plus qu’à redescendre vers le rivage, à regagner notre campement, à transporter les tentes sur le littoral, à prendre toutes mesures en vue d’un hivernage que les circonstances allaient nous imposer.