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le sphinx des glaces

pieds, large de six, l’arrière et l’avant de même forme relevée, – ce qui permettait d’éviter les virages, — et il se manœuvrait avec plusieurs paires de pagaies.

Ce que je dois faire particulièrement observer, c’est que dans la construction de ce canot, il n’entrait pas un seul morceau de fer, — ni clous, ni chevilles, ni semelles, pas plus à l’étrave qu’à l’étambot, ce métal étant absolument inconnu des Tsalalais. Des ligatures faites d’une sorte de liane, ayant la résistance d’un fil de cuivre, assuraient l’adhérence du bordé avec autant de solidité que le plus serré des rivetages. L’étoupe était remplacée par une mousse sur laquelle s’appliquait un brai de gomme, qui prenait une dureté métallique au contact de l’eau.

Telle était cette embarcation, à laquelle nous donnâmes le nom de Paracuta, — celui d’un poisson de ces parages, qui était assez grossièrement sculpté sur le plat-bord.

Le Paracuta avait été chargé d’autant d’objets qu’il en pouvait contenir, sans trop gêner les passagers destinés à y prendre place, — vêtements, couvertures, chemises, vareuses, caleçons, pantalons de grosse laine et capotes cirées, quelques voiles, quelques espars, grappin, avirons, gaffes, puis des instruments pour faire le point, des armes et des munitions dont nous aurions peut-être l’occasion de nous servir, fusils, pistolets, carabines, poudre, plomb et balles. La cargaison se composait de plusieurs barils d’eau douce, de whisky et de gin, de caisses de farine, de viande au demi-sel, de légumes secs, d’une bonne réserve de café et de thé. On y avait joint un petit fourneau et plusieurs sacs de charbon pour alimenter ce fourneau pendant quelques semaines. Il est vrai, si nous ne parvenions pas à dépasser la banquise, s’il fallait hiverner au milieu des ice-fields, comme ces ressources ne tarderaient pas à s’épuiser, tous nos efforts devraient alors tendre à revenir vers Halbrane-Land, où la cargaison de la goélette devait assurer notre existence pendant de longs mois encore.

Eh bien, — même si nous n’y réussissions pas, — y aurait-il lieu