récit ne furent point renfermées dans une bouteille jetée à la mer, recueillie par hasard sur les mers de l’Antarctide. Je les ai rapportées moi-même, et, bien que la dernière partie du voyage ne se soit pas accomplie sans grandes fatigues, grandes misères, grands dangers, terribles inquiétudes surtout, cette campagne a eu notre sauvetage pour dénouement.
Et d’abord, quelques jours après le départ de la Terre du Sphinx, le soleil s’était enfin couché derrière l’horizon de l’ouest, et ne devait plus reparaître de tout l’hiver.
C’est donc au milieu de la demi-obscurité de la nuit australe que le Paracuta poursuivit sa monotone navigation. Il est vrai, les aurores polaires apparaissaient fréquemment, — ces admirables météores que Cook et Forster aperçurent pour la première fois en 1773. Quelle magnificence dans le développement de leur arc lumineux, leurs rayons qui s’allongent ou se raccourcissent capricieusement, l’éclat de ces opulentes draperies qui augmente ou diminue avec une soudaineté merveilleuse en convergeant vers le point du ciel indiqué par la verticalité de l’aiguille des boussoles ! Et quelle prestigieuse variété de formes dans les plis et replis de leurs faisceaux, qui se colorent depuis le rouge clair jusqu’au vert émeraude !
Oui !… mais ce n’était plus le soleil, ce n’était pas cet astre irremplaçable qui, durant les mois de l’été antarctique, avait sans cesse illuminé nos horizons. De cette longue nuit des pôles se dégage une influence morale et physique dont personne ne peut s’abstraire, une impression funeste et accablante à laquelle il est bien difficile d’échapper.
Des passagers du Paracuta, il n’y avait guère que le bosseman et Endicott à conserver leur habituelle bonne humeur, insensibles aux ennuis comme aux périls de cette navigation. J’excepte aussi l’impassible Jem West, prêt à faire face à n’importe quelles éventualités, en homme qui est toujours sur la défensive. Quant aux deux frères Guy, le bonheur de s’être retrouvés leur faisait le plus souvent oublier les préoccupations de l’avenir.