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Page:Verne - Le Sphinx des Glaces, 1897.djvu/490

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le sphinx des glaces

Vincennes, après avoir reconnu une étendue de côtes, qui se développait sur 66° de l’est à l’ouest. Puis, comme la mauvaise saison s’approchait, il avait viré de bord et regagné Hobart-Town en Tasmanie.

La même année, l’expédition du capitaine français Dumont d’Urville, partie en 1838, dans une seconde tentative pour s’élever vers le pôle, avait, le 21 janvier, reconnu la terre Adélie par 66° 30′ de latitude et 38° 21′ de longitude orientale, puis, le 29 janvier, la côte Clarie par 64° 30′ et 129° 54′. Leur campagne terminée après ces importantes découvertes, l’Astrolabe et la Zélée avaient quitté l’océan Antarctique et mis le cap sur Hobart-Town.

Aucun de ces bâtiments ne se trouvait donc dans ces parages. Aussi, lorsque le Paracuta, cette coquille de noix, fut seul au-delà de la banquise, sur une mer déserte, nous dûmes croire que le salut n’était plus possible.

Quinze cents milles nous séparaient alors des terres les plus voisines, et l’hiver datait d’un mois déjà…

Hurliguerly lui-même voulut bien reconnaître que la dernière heureuse chance, sur laquelle il comptait, venait de nous manquer…

Le 6 avril, nous étions à bout de ressources, le vent commençait à fraîchir, et le canot, violemment secoué, risquait d’être englouti à chaque lame.

« Navire ! »

Ce mot fut jeté par le bosseman, et, à l’instant, nous distinguâmes un bâtiment, à quatre milles dans le nord-est, au-dessous des brumes qui venaient de se lever.

Immédiatement, signaux faits, signaux aperçus. Après s’être tenu en panne, le navire mit son grand canot à la mer pour nous recueillir.

C’était le Tasman, un trois-mâts américain de Charleston, où nous fûmes reçus avec empressement et cordialité. Le capitaine traita mes compagnons comme s’ils eussent été ses propres compatriotes…