Au surplus, si j’eusse été démangé de causerie, il aurait suffi de m’adresser au bosseman. Toujours prêt à moudre des phrases, celui-là ! Mais qu’aurait-il pu me dire de nature à m’intéresser ? J’ajouterai qu’il ne manquait jamais de me souhaiter le bonjour et le bonsoir avec une invariable prolixité. Puis… étais-je content de la vie du bord ?… La cuisine me convenait-elle ?… Voulais-je qu’il recommandât certains plats de sa façon à ce moricaud d’Endicott ?…
« Je vous remercie, Hurliguerly, lui répondis-je un jour. L’ordinaire me suffit… Il est très acceptable… et je n’étais pas mieux traité chez votre ami du Cormoran-Vert.
— Ah ! ce diable d’Atkins !… Un brave homme au fond…
— C’est bien mon avis.
— Conçoit-on, monsieur Jeorling, que lui, un Américain, ait consenti à se reléguer aux Kerguelen avec sa famille ?…
— Et pourquoi pas ?…
— Et qu’il s’y trouve heureux !…
— Ce n’est point déjà tant sot, bosseman !
— Bon ! si Atkins me proposait de changer avec lui, il serait le mal venu, car je me flatte d’avoir une vie agréable !
— Mes compliments, Hurliguerly !
— Eh ! savez-vous bien, monsieur Jeorling, que d’avoir mis son sac à bord d’un navire comme l’Halbrane, c’est une chance qui ne se rencontre pas deux fois dans l’existence !… Notre capitaine ne parle pas beaucoup, c’est vrai, notre lieutenant use encore moins sa langue…
— Je m’en suis aperçu, déclarai-je.
— N’importe ! monsieur Jeorling, ce sont deux fiers marins, je vous en donne l’assurance ! Vous les regretterez, quand vous débarquerez à Tristan…
— Je suis heureux de vous l’entendre dire, bosseman.
— Et remarquez que cela ne tardera guère avec cette brise du sud-est par la hanche et une mer qui ne lève que lorsque cachalots et baleines veulent bien la secouer en dessous ! Vous le verrez,