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Page:Verne - Le Sphinx des Glaces, 1897.djvu/74

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le sphinx des glaces

Le maître et le chien mouraient de soif, et, lorsque Arthur Pym étendait sa main, il trouvait Tigre couché sur le dos, ses pattes en l’air, avec une légère érection du poil. Ce fut, en le tâtant de la sorte, que sa main rencontra une ficelle nouée autour du corps du chien. À cette ficelle était attachée une bande de papier, précisément sous l’épaule gauche de l’animal.

Arthur Pym se sentait au dernier degré de la faiblesse. Sa vie intellectuelle était presque anéantie. Cependant, après plusieurs tentatives infructueuses pour se procurer de la lumière, il parvint à frotter le papier d’un peu de phosphore, et, alors — on ne saurait se figurer quels minutieux détails se succèdent dans ce récit d’Edgar Poe, — ces mots effrayants apparurent… les sept derniers mots d’une phrase, qu’une légère lueur éclaira pendant un quart de seconde : … sang… restez caché… votre vie en dépend

Que l’on imagine la situation d’Arthur Pym, à fond de cale, entre les parois de cette caisse, sans lumière, sans eau, n’ayant plus que d’ardentes liqueurs pour étancher sa soif !… Et cette recommandation, qui lui arrivait, de rester caché, précédée du mot sang, — ce mot suprême, ce roi des mots, si riche de mystère, de souffrance, de terreur !… Y a-t-il donc eu lutte à bord du Grampus ?… Le brick a-t-il été attaqué par des pirates ?… Est-ce une révolte de l’équipage ?… Depuis combien de temps dure cet état de choses ?…

On pourrait croire que, dans l’effroyable de cette situation, le prodigieux poète a épuisé les ressources de ses facultés imaginatives ?… Il n’en est rien… Sa génialité débordante l’a entraîné plus loin encore !…

En effet, voici qu’Arthur Pym, étendu sur son matelas, en proie à une sorte de léthargie, entend un sifflement singulier, un souffle continu… C’est Tigre qui halète… c’est Tigre dont les yeux étincellent au milieu de l’ombre… c’est Tigre dont les dents grincent… c’est Tigre qui est enragé…

Au comble de l’épouvante, Arthur Pym reprit assez de force pour échapper aux morsures de l’animal qui s’était précipité sur lui.