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LE SUPERBE ORÉNOQUE.

de Atabapo, situés chacun aux deux angles que fait le fleuve, — le premier à l’endroit où il quitte la direction de l’est à l’ouest pour prendre celle du sud, le second à l’endroit où il quitte la direction du sud pour prendre celle de l’ouest à l’est.

Il va sans dire que cette disposition hydrographique n’est la véritable que si l’opinion de M. Miguel prévaut contre celles de MM. Felipe et Varinas, et conformément au tracé de l’Orénoque, tel qu’il est indiqué sur les cartes modernes.

Au surplus, encore six cents kilomètres environ, et les géographes auraient atteint le triple confluent où serait tranchée cette question, — on devait l’espérer du moins.

Un cerro, — colline de moyenne altitude, — s’élève sur la rive droite et porte le même nom que la bourgade bâtie à son pied. À cette époque, la Urbana possédait une population de trois cent cinquante à quatre cents habitants, répartis en une centaine de cases, pour la plupart de race mulâtre, métis d’Espagnols et d’Indiens. Ils ne sont point cultivateurs, et quelques-uns seulement s’occupent de l’élevage des bestiaux. À part la récolte de la sarrapia et des œufs de tortues dont le temps est très limité, ils ne font rien que pêcher ou chasser et, en somme, montrent un penchant naturel à l’oisiveté. Ils vivent à l’aise, d’ailleurs, et les habitations disséminées entre les bananiers de la rive offrent l’aspect d’un bien-être rare en ces lointaines régions.

MM. Miguel, Felipe et Varinas, le sergent Martial et Jean de Kermor, comptaient ne rester qu’une nuit à la Urbana. Arrivés vers cinq heures, la soirée leur suffirait au renouvellement de leurs provisions en viande et légumes, car la Urbana était en mesure de fournir amplement à tous leurs besoins.

Ce qu’il y avait de mieux à faire, c’était de s’adresser au chef civil de la localité, lequel s’empressa d’offrir ses services et mit sa demeure à la disposition des passagers.

C’était un mulâtre d’une cinquantaine d’années, ce chef civil, dont l’autorité s’étend sur les llanos du district et auquel incombe la