Page:Verne - Le Superbe Orénoque, Hetzel, 1898.djvu/116

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
104
LE SUPERBE ORÉNOQUE.

« Nous savons, maintenant, dit-il, pourquoi MM. Miguel, Varinas et Felipe ont entrepris cette campagne sur l’Orénoque. Votre voyage n’a sans doute pas le même objet… »

Le sergent Martial eut un énorme geste de dénégation ; mais, sur un signe de Jean, il dut s’abstenir d’exprimer son dédain pour ces questions géographiques, bonnes tout au plus à intéresser les fabricants de manuels et d’atlas.

Le jeune garçon raconta alors son histoire, quels motifs l’avaient entraîné à quitter la France, à quel sentiment filial il obéissait en remontant le cours de l’Orénoque dans l’espoir de se procurer quelques nouveaux renseignements à San-Fernando, d’où était partie la dernière lettre écrite par le colonel de Kermor, son père.

Le vieux M. Marchal ne put cacher l’émotion que lui causa cette réponse. Il prit les mains de Jean, il l’attira dans ses bras, il l’embrassa au front, — ce qui fit peut-être sourdement grommeler le sergent, — et ce fut comme une bénédiction qu’il lui donna, avec les souhaits les plus ardents pour la réussite de ses projets.

« Mais ni vous, monsieur Marchal, ni monsieur le chef civil, vous n’avez entendu parler du colonel de Kermor ?… » demanda le jeune garçon.

Réponse négative.

« Peut-être, reprit le chef civil, le colonel ne s’est-il pas arrêté à la Urbana ?… Cela m’étonnerait, cependant, car il est rare que les pirogues ne viennent pas s’approvisionner ici… C’était en 1879, dites-vous…

— Oui, monsieur, répondit Jean. Est-ce que vous habitiez déjà cette bourgade ?…

— Assurément, et je n’ai jamais appris que le colonel de Kermor y ait passé. »

Toujours cet incognito, dont il semblait que le colonel eût voulu se couvrir depuis son départ.

« Peu importe, mon cher enfant, affirma M. Miguel, il est impossible que votre père n’ait pas laissé trace de son séjour à San-Fer-