Jean de Kermor et au sergent Martial de les remplacer jusqu’à la pointe du jour.
Les passagers de la Gallinetta et de la Maripare allèrent donc s’étendre sur leurs esteras, tandis que, d’autre part, les équipages, après les fatigues de cette rude manœuvre du halage, prenaient un repos bien gagné.
Jacques Helloch et Germain Paterne vinrent se poster à l’arrière de la pirogue. De là, leur surveillance pourrait s’étendre en amont et en aval du fleuve et même sur l’embouchure du Meta. Du côté de la rive, il n’y avait rien à craindre, car elle s’accoudait à une sorte de marécage impraticable.
Les deux amis, assis l’un près de l’autre, causaient de choses et d’autres. L’un fumait un de ces cigares dont il était largement approvisionné, car le tabac est d’échange courant avec les riverains de l’Orénoque. L’autre tirait de grosses bouffées de sa pipe de bruyère à laquelle il était aussi fidèle que pouvait l’être le sergent Martial à la sienne.
Les étoiles resplendissaient au firmament, pur de toute humidité, dégagé de toute vapeur. La brise, presque entièrement tombée, ne se manifestait plus qu’en légers souffles intermittents. La Croix du Sud étincelait à quelques degrés au-dessus de l’horizon méridional. Grâce à ce calme des éléments, le moindre bruit, l’eau fendue par une embarcation, troublée par une pagaie, se fût entendue de loin, et il suffirait d’observer les berges avec quelque attention pour prévenir n’importe quelle approche suspecte.
C’est à cette surveillance que s’employaient les deux jeunes gens, en s’abandonnant à une intime causerie.
Il est certain que Jean de Kermor inspirait une très vive sympathie à Jacques Helloch. Celui-ci ne voyait pas sans appréhension un garçon de cet âge lancé dans un voyage gros de périls. Tout en admirant le mobile si généreux, si respectable qui le faisait agir, il s’effrayait des dangers auxquels l’exposait son projet de s’aventurer… jusqu’où… il ne le savait…