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LE SUPERBE ORÉNOQUE.

rembarquement du matériel, et comme aucune avarie n’était survenue pendant le passage du raudal, le voyage n’eut à subir aucun retard de ce chef.

Il est vrai, peut-être les passagers allaient-ils être moins favorisés entre Atures et la bourgade de San-Fernando. Le vent, qui marquait une tendance à calmir, ne suffirait pas à pousser les falcas contre le courant de l’Orénoque. Tout au plus pourraient-elles l’étaler. Cependant, comme la brise soufflait encore de la partie du nord, ne variant guère que de l’est à l’ouest, les voiles furent hissées, en attendant qu’il y eût lieu de recourir à l’espilla ou aux palancas.

Inutile de mentionner que chaque groupe avait repris sa place dans sa pirogue, — le sergent Martial et Jean de Kermor à bord de la Gallinetta, MM. Miguel, Varinas et Felipe à bord de la Maripare, Jacques Helloch et Germain Paterne à bord de la Moriche.

Autant que possible, on naviguait en ligne, et le plus souvent — le sergent Martial l’observait non sans grogner en sourdine, — la Moriche marchait de conserve avec la Gallinetta, ce qui permettait aux passagers de causer, et ils ne s’en faisaient pas faute.

Pendant la matinée, les falcas ne gagnèrent que cinq kilomètres vers l’amont. Il fut d’abord indispensable d’évoluer au milieu de ce dédale d’îlots et de récifs dont le fleuve est embarrassé jusqu’au-dessus d’Atures. Impossible même de conserver aux voiles une orientation constante. Entre ces passes rétrécies, les eaux descendaient avec rapidité, et les palancas durent être maniées avec une grande vigueur.

Lorsque la flottille se trouva par le travers du cerro de Los Muertos, le lit de l’Orénoque devint plus libre. Après s’être rapprochées de la rive droite où le courant est moins fort, les falcas purent s’aider de la brise dans une certaine mesure.

En arrière de la rive opposée se dressait le cerro Pintado que M. Miguel et ses compagnons avaient visité et dont on put alors observer le bizarre massif, qui domine les vastes plaines fréquentées des Indiens Guahibos.