Page:Verne - Le Superbe Orénoque, Hetzel, 1898.djvu/184

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
166
LE SUPERBE ORÉNOQUE.

Il est vrai, cette préparation culinaire, ce sancocho, comme on le nomme dans le pays, fut dédaigné des convives. On l’abandonna aux mariniers qui s’en régalèrent.

Seul, Germain Paterne voulut y goûter, parce qu’un naturaliste n’a pas la permission d’être difficile et doit se sacrifier dans l’intérêt de la science.

« Eh bien ?… lui demanda Jacques Helloch.

— Eh bien, répondit Germain Paterne, ce n’est pas bon à la première bouchée… mais à la seconde…

— C’est…

— Détestable ! »

Le sancocho était jugé et condamné sans appel.

Le lendemain, départ de l’île Rabo Pelado et reprise de la navigation vers le sud-ouest, — direction qu’affecte l’Orénoque jusqu’au raudal des Guahibos. Jour de pluie continue. Brise intermittente venant du nord-est. Voiles des pirogues, tantôt inertes, pendant le long du mât, tantôt gonflées et arrondies comme une enveloppe d’aérostat.

Le soir, Valdez vint s’amarrer en aval de l’île de Guayabo, n’ayant parcouru que douze kilomètres, car l’action du vent avait été souvent inférieure à celle du courant.

Le lendemain, après une journée fatigante, les trois pirogues purent atteindre le raudal des Guahibos et relâchèrent à l’embouchure du bras de Carestia, qui contourne par la rive droite une longue île à l’endroit où elle divise le cours de l’Orénoque.

La nuit se passa tranquillement après le souper, qui fut renforcé d’une couple de hoccos, volatiles aquatiques, démontés sur les berges de l’île.

Là, le lit du fleuve est sinueux, large, mais encombré d’îlots et d’îles. De plus, il est coupé par un barrage d’où les eaux retombent en cascades retentissantes. Le site est d’une sauvagerie superbe, l’un des plus beaux peut-être qui se rencontrent sur le moyen Orénoque.

Les voyageurs eurent le temps de l’admirer, car il leur fallut quel-