Aller au contenu

Page:Verne - Le Superbe Orénoque, Hetzel, 1898.djvu/22

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
14
LE SUPERBE ORÉNOQUE.

ainsi de ceux qui vivent au milieu des savanes du département de l’Orénoque. Pillards par intérêt et par nécessité, ils ne reculent ni devant la trahison ni devant l’assassinat.

Sera-t-il possible dans l’avenir de prendre quelque empire sur ces natures farouches et indomptables ? Ce qui ne peut réussir pour les fauves des llanos réussira-t-il avec ces naturels des plaines de l’Alto Orinoco ? La vérité est que de hardis missionnaires l’ont essayé sans grand résultat.

Et même l’un d’eux, un Français, appartenant aux Missions étrangères, se trouvait depuis quelques années dans ces hautes régions du fleuve. Son courage et sa foi avaient-ils été récompensés ?… Était-il parvenu à civiliser ces peuplades sauvages, à les convertir aux pratiques du catholicisme ?… Avait-on lieu de croire que le courageux apôtre de la Mission de Santa-Juana eût pu grouper autour de lui ces Indiens, réfractaires jusqu’alors à toute tentative de civilisation ?…

En somme, pour en revenir à M. Miguel et à ses deux collègues, il ne s’agissait pas de se hasarder en ces lointaines contrées dominées par le massif de Roraima. Et cependant, s’il l’avait fallu dans l’intérêt de la science géographique, ils n’auraient pas hésité à relever jusqu’aux sources l’Orénoque aussi bien que le Guaviare et l’Atabapo. Leurs amis espéraient, toutefois, — non sans raison, — que cette question d’origine serait résolue au confluent des trois fleuves. D’ailleurs, on admettait généralement que ce serait en faveur de cet Orénoque, lequel, après avoir reçu trois cents rivières et parcouru deux mille cinq cents kilomètres, va, par les ramures de cinquante bras, se jeter dans l’Atlantique.