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LE CHUBASCO.

Mais un cri terrible venait de dominer les assourdissants fracas de la tempête.

Ce cri, c’était le sergent Martial qui l’avait poussé.

Au moment de la collision, Jean avait été précipité dans ces eaux tourbillonnantes.

« Mon enfant… mon enfant !… » répétait le vieux soldat, la tête perdue, les membres paralysés…

Cependant il allait à son tour s’élancer dans le courant… Et qu’aurait-il pu faire ?…

Jacques Helloch le retint d’un bras vigoureux, puis le repoussa au fond de la pirogue.

Et si Jacques Helloch se trouvait là, c’est qu’il venait de sauter à bord de la Gallinetta, afin d’être plus près du jeune garçon, plus à portée de le secourir…

Et à l’instant où Jean disparaissait, il avait entendu le sergent Martial crier un nom… oui !… un autre nom… et ce n’était pas celui de Jean…

« Laissez-moi faire… lui dit-il.

— Vous ne m’empêcherez pas… s’écria le sergent Martial.

— Vous ne savez pas nager… vous péririez tous les deux !… Moi… je… sauverai votre enfant ! »

Et Jacques Helloch se jeta dans le fleuve.

Tout cela dit et fait en quelques secondes.

Cinq ou six brasses permirent à Jacques Helloch de rejoindre Jean, lequel, après être revenu plusieurs fois à la surface, était sur le point de s’enfoncer… Il le saisit par le milieu du corps, il lui releva la tête qu’il maintint au-dessus de l’eau, et il se laissa dériver vers la côte.

« Courage… courage ! » répétait-il.

Jean, les yeux fermés, privé de sentiment, ne pouvait ni l’entendre… ni le comprendre…

Les pirogues n’étaient pas à vingt mètres en arrière. Tandis que Valdez retenait le sergent Martial fou de désespoir, on voyait Jacques Helloch soutenant le jeune garçon. La rafale les poussait tous deux vers la rive. Les falcas y arrivèrent enfin, et, par une heureuse