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Page:Verne - Le Superbe Orénoque, Hetzel, 1898.djvu/236

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LE SUPERBE ORÉNOQUE.

faible pour consentir à ce voyage, assez faible pour l’avoir entrepris !… Toutefois il s’imposa de ne point récriminer devant le malheureux Jean, car c’eût été bénévolement accroître son chagrin, et il le voyait si accablé, si désespéré…

De son côté, Jacques Helloch s’occupa de recueillir des renseignements. Par malheur, ses démarches furent vaines. Et alors, rentré à bord de la Moriche, il s’abandonnait à une tristesse dont Germain Paterne commençait à s’effrayer. Son ami, si volontiers causeur, d’une humeur si égale, si communicatif, répondait à peine à ses questions.

« Qu’as-tu ?… lui demandait Germain Paterne.

— Rien.

— Rien… cela veut dire tout quelquefois !… Certes, la situation de ce pauvre garçon est très affligeante, j’en conviens, mais enfin il ne faut pas que cela te fasse perdre de vue ta mission…

— Ma mission !…

— Ce n’est pas… j’imagine… ou du moins je ne crois pas que le ministre de l’Instruction publique t’ait envoyé sur l’Orénoque pour retrouver le colonel de Kermor…

— Et pourquoi pas ?…

— Voyons… Jacques… parlons sérieusement !… Tu as été assez heureux pour sauver le fils du colonel…

— Le fils !… s’écria Jacques Helloch. Ah !… le fils !… Eh bien, Germain, peut-être… Oui !… mieux vaudrait peut-être que Jean eût péri… s’il ne doit pas retrouver son père…

— Je ne comprends pas, Jacques…

— Parce que ce sont des choses auxquelles tu n’entends rien… auxquelles tu ne peux rien entendre…

— Merci ! »

Et alors, Germain Paterne prit le parti de ne plus interroger son compagnon, se demandant ce qu’il y avait au fond de cette extraordinaire affection croissante pour le jeune de Kermor.

Le lendemain, lorsque Jean arriva avec le sergent Martial chez