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QUELQUES MOTS DU PASSÉ.

exigé de moi mon bon Martial… Il est devenu mon oncle, et je suis devenue son neveu… J’ai revêtu l’habit d’un jeune garçon, j’ai coupé mes cheveux, et, ainsi métamorphosée, je me suis embarquée à Saint-Nazaire pour Caracas. Je parlais l’espagnol comme ma langue naturelle, — ce qui pouvait m’être bien utile pendant ce voyage, — et me voici dans cette bourgade de San-Fernando !… Puis, lorsque j’aurai retrouvé mon père, nous reviendrons en Europe par la Havane… Je tiens à ce qu’il rende visite à cette généreuse famille qui l’a remplacé près de sa fille… et à laquelle nous devons tous deux tant de reconnaissance ! »

Les yeux de Jeanne de Kermor se mouillèrent de quelques larmes. Mais elle se remit, et ajouta :

« Non, mon oncle, non, il ne faut pas se plaindre si notre secret a été découvert… Dieu l’a voulu, comme il a voulu que deux de nos compatriotes, deux amis dévoués, se soient rencontrés sur notre route… Et, au nom de mon père, messieurs, je vous remercie de toute mon âme, de ce que vous avez déjà fait… et de ce que vous avez résolu de faire encore ! »

Et elle tendit la main à Jacques Helloch et à Germain Paterne, qui la pressèrent affectueusement.

Le lendemain, les jeunes gens, le sergent Martial et Jean — ce nom lui sera conservé tant que les circonstances l’exigeront — prirent congé de MM. Miguel, Felipe et Varinas, lesquels faisaient leurs préparatifs en vue d’explorer les confluents du Guaviare et de l’Atabapo. Les trois collègues ne voyaient pas, sans de vives appréhensions, le jeune garçon s’engager sur le lit supérieur de l’Orénoque, même avec le concours de ses compatriotes. Et, tout en faisant des vœux pour le succès de son voyage, M. Miguel lui dit :

« Peut-être nous trouverez-vous ici à votre retour, mon cher enfant, si mes compagnons et moi, nous n’avons pas pu nous mettre d’accord… »

Enfin, après avoir reçu les adieux du gouverneur de San-Fernando