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Page:Verne - Le Superbe Orénoque, Hetzel, 1898.djvu/276

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LE SUPERBE ORÉNOQUE.

disaient être le cerro Yapacana. Ils ajoutaient même que cette montagne était hantée, que les esprits, chaque année, en février et mars, allument sur sa pointe un grand feu dont le reflet s’étend sur toute la contrée en s’élevant jusqu’au ciel.

Ce cerro, les pirogues eurent atteint, dans la soirée du 11 octobre, l’endroit d’où il se montre sous ses véritables dimensions, — long de quatre kilomètres, large d’un kilomètre et demi, haut d’environ douze cents mètres.

Pendant les trois jours qui avaient suivi leur départ de Carida, la navigation des falcas, servie par une brise constante, s’était accomplie rapidement et sans obstacles. On avait dépassé l’île Luna, remonté le fleuve entre des rives bordées d’épaisses palmeraies, n’ayant eu d’autre difficulté que de franchir un petit raudal qu’on appelle la « Traversée du Diable ». Seulement, le diable ne s’était pas mis en travers.

Le cerro de Yapacana occupe la plaine qui se développe sur la droite de l’Orénoque. Ainsi que l’indique M. Chaffanjon, il se présente sous la forme d’un énorme sarcophage.

« Et dès lors, fit observer Germain Paterne, pourquoi ne recèlerait-il pas des dévas, des myagres, des trolls, des cucufas et autres esprits d’origine mythologique ? »

En face du cerro, la rive gauche, au-delà de l’île Mavilla, était occupée par l’établissement du commissaire vénézuélien. C’était un métis, nommé Manuel Assomption. Cet homme vivait là avec sa femme, également une métisse, et plusieurs enfants, — au total, une intéressante famille.

Lorsque les falcas s’arrêtèrent devant Danaco, il faisait déjà nuit, la navigation ayant été retardée par une avarie survenue à la Gallinetta. Malgré toute son habileté, Valdez n’avait pu empêcher la pirogue, prise dans un remous, de heurter un angle de roche. À la suite de ce choc, une voie d’eau s’était déclarée, peu importante, il est vrai, puisqu’elle put être aveuglée avec quelques poignées d’herbes sèches. Mais, en vue de la continuation du voyage, il fallait