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LE SUPERBE ORÉNOQUE.

— Si c’est de cette manière que tu me gâtes dès le début, tu joueras bien mal ton rôle d’oncle féroce…

— Féroce !… Est-ce que je puis être féroce envers toi ?…

— Il le faut… pour écarter tous les soupçons.

— Aussi… Jean, pourquoi as-tu voulu venir ?…

— Parce que je le devais.

— Pourquoi n’es-tu pas resté dans notre maison… là-bas… à Chantenay… ou à Nantes ?…

— Parce que mon devoir était de partir.

— Est-ce que je n’aurais pas pu entreprendre ce voyage tout seul ?…

— Non.

— Des dangers, c’est mon métier de les braver !… Je n’ai fait que cela toute ma vie !… Et, d’ailleurs, ils ne sont pas pour moi ce qu’ils seraient pour toi…

— Aussi ai-je tenu à devenir ton neveu, mon oncle.

— Ah ! si mon colonel avait pu être consulté là-dessus !… s’écria le sergent Martial.

— Et comment ?… répondit Jean, dont le front s’obscurcit.

— Non… c’était impossible !… Mais, après avoir obtenu à San-Fernando des renseignements certains, s’il nous est jamais donné de le revoir, que dira-t-il ?…

— Il remerciera son ancien sergent de ce que celui-ci se sera rendu à mes prières, de ce qu’il aura consenti à me laisser entreprendre ce voyage !… Il te pressera dans ses bras en disant que tu as fait ton devoir, comme j’ai fait le mien !

— Enfin… enfin… s’écria le sergent Martial, tu m’auras tourné et retourné comme tu l’as voulu !

— C’est dans l’ordre, puisque tu es mon oncle, et qu’un oncle doit toujours obéir à son neveu… pas devant le monde, par exemple !

— Non… pas devant le monde… C’est la consigne !

— Et, maintenant, mon bon Martial, va dormir et dors bien. Demain nous devons embarquer dès la première heure sur le bateau de l’Orénoque, et il ne faut pas manquer le départ.