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Page:Verne - Le Superbe Orénoque, Hetzel, 1898.djvu/336

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LE SUPERBE ORÉNOQUE.

Jeanne dormait, elle dormait sans agitation, sans paraître oppressée, dans un calme absolu.

« Elle est sauvée !… sauvée… murmurait-il à l’oreille de Germain Paterne.

— Je l’espère… je le crois… Eh ! il a du bon, ce coloradito !… Seulement les pharmaciens sont rares sur le haut Orénoque ! »

L’heure passée, l’accès n’était pas revenu… Il ne devait plus revenir.

Et, dans l’après-midi, lorsque Jeanne se réveilla, ce fut, non sans raison, cette fois, qu’elle put murmurer en tendant la main à Jacques Helloch :

« Je me sens mieux !… oui !… je me sens mieux ! »

Puis, quand le sergent Martial, qui avait eu la permission de rentrer à bord de la Gallinetta, se trouva près d’elle :

« Cela va bien… mon oncle ! » lui dit-elle en souriant, tandis que sa main essuyait les larmes du vieux soldat.

On la veilla toute la nuit. De nouvelles infusions de la salutaire écorce lui furent administrées. Elle dormit paisiblement, et, le lendemain, à son réveil, sa guérison ne fit plus doute pour personne. Quelle joie ressentirent les passagers, quelle joie aussi les équipages des deux pirogues !

Il va de soi que le capitan de Mavaca, malgré ses honnêtes refus, eut le droit de choisir au profit de sa famille ce qui pouvait le tenter dans la cargaison de la Moriche. Au total, ce brave homme se montra discret. Quelques couteaux, une hachette, une pièce d’étoffe, des miroirs, des verroteries, une demi-douzaine de cigares, lui payèrent le prix de son coloradito.

Au moment de partir, on s’aperçut que Jorrès n’était pas à bord de la Gallinetta, et, sans doute, il avait été absent depuis la veille au soir.

Interrogé par Jacques Helloch, dès qu’il fut de retour, il répondit que l’équipage ayant eu ordre de débarquer, il était allé dormir dans la forêt. Il fallut se contenter de cette réponse, qui ne pouvait être contrôlée, — réponse plausible, d’ailleurs.