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LE CAMPEMENT DU PIC MAUNOIR.

pris corps à la suite de la disparition de l’Espagnol, se faisait ce raisonnement :

Si Jorrès n’appartient pas à la bande d’Alfaniz, s’il n’est point animé d’intentions mauvaises, si son projet était bien de se rendre à la Mission, pourquoi venait-il d’abandonner ses compagnons avant le terme du voyage ?…

Or, il était parti, alors que tout indiquait qu’il aurait dû rester. Et qui sait si, secrètement averti que les Quivas et leur chef parcouraient la savane environnante, il n’avait pas profité de la nuit pour les rejoindre ?…

Et s’il en était ainsi, à présent que les pirogues ne pouvaient plus naviguer, la petite troupe, contrainte de s’engager au milieu de ces épaisses forêts pour gagner Santa-Juana, serait exposée aux dangers d’une agression que son infériorité numérique rendrait difficile à repousser…

Telles étaient les très sérieuses craintes qui assaillaient Jacques Helloch.

Mais, de ces craintes, il n’avait fait part à personne — à peine quelques mots dits à Valdez, qui partageait ses soupçons à l’égard de l’Espagnol.

Aussi, après la question précise, posée par le sergent Martial sur l’inexplicable disparition de Jorrès, voulut-il imprimer à la conversation un cours différent, et dans un sens plus pratique.

« Laissons ce Jorrès où il est, dit-il. Il se peut qu’il revienne, il se peut qu’il ne revienne pas… C’est de notre situation actuelle qu’il importe de s’occuper, et des moyens d’atteindre notre but. Nous sommes dans l’impossibilité de continuer le voyage par l’Orénoque, circonstance fâcheuse, je le reconnais…

— Mais cette difficulté, fit observer Jean, se serait toujours présentée dans quelques jours. En admettant que nous fussions parvenus à gagner les sources mêmes avec nos pirogues, il aurait fallu débarquer au pied de la sierra Parima. De là à la Mission, puisque Santa-Juana n’est pas en communication avec l’Orénoque par un