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LE SUPERBE ORÉNOQUE.

La première fois que Jean énonça cette opinion du grand navigateur génois devant le sergent Martial, celui-ci se borna à répondre :

« Nous verrons bien ! »

Et peut-être avait-il raison de mettre en doute cette assertion de l’illustre découvreur de l’Amérique.

Également, paraît-il, il convenait de mettre au rang des pures légendes que le grand fleuve descendît du pays de l’El Dorado, ainsi que semblaient le croire les premiers explorateurs, les Hojeda, les Pinzon, les Cabral, les Magalhâez, les Valdivia, les Sarmiento, et tant d’autres qui s’aventurèrent à travers les régions du Sud-Amérique.

Dans tous les cas, l’Orénoque trace un immense demi-cercle à la surface du territoire entre les 3e et 8e parallèles au nord de l’Équateur, et dont la courbe s’étend au-delà du 70° degré de longitude à l’ouest du méridien de Paris. Les Vénézuéliens sont fiers de leur fleuve, et il est visible que, sous ce rapport, MM. Miguel, Felipe et Varinas ne le cédaient à aucun de leurs compatriotes.

Et peut-être, même, eurent-ils la pensée de protester publiquement, contre le dire d’Élisée Reclus, dans le dix-huitième volume de sa Nouvelle Géographie universelle, qui attribue à l’Orénoque le neuvième rang parmi les fleuves de la terre, après l’Amazone, le Congo, le Parana-Uruguay, le Niger, le Yang-tse-Kiang, le Brahmapoutre, le Mississipi et le Saint-Laurent. Ne pouvaient-ils faire valoir que, d’après Diego Ordaz, un explorateur du seizième siècle, les Indiens le nommaient Paragua, c’est-à-dire : Grande-Eau ?… Cependant, malgré un argument de cette force, ils ne donnèrent pas libre cours à leurs protestations, et peut-être firent-ils bien, tant l’œuvre du géographe français s’appuie sur des bases sérieuses.

Dès six heures du matin, le 12 août, le Simon-Bolivar, — on ne saurait s’étonner de ce nom, — était prêt à partir. Ces communications par bateaux à vapeur entre cette ville et les bourgades du cours de l’Orénoque ne dataient que de quelques années, et encore ne dépassent-elles pas l’embouchure de l’Apure. Mais en remontant cet affluent, les passagers et les marchandises peuvent se transporter