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À TRAVERS LA SIERRA.

À la halte de midi, on s’arrêta sur le bord du rio Torrida, qu’il eût été impossible de traverser au milieu de ses eaux bondissantes. Sa largeur ne dépassait pas une cinquantaine de pieds. Des canards et des pavas voletaient à sa surface. Le jeune Indien put en abattre quelques couples avec ses flèches. Ils furent conservés pour le dîner du soir, et on se contenta de viande froide et de gâteaux de cassave.

Après une heure de repos, la petite troupe se remit en marche. Si les pentes du sol s’accentuaient, l’épaisseur de la forêt ne semblait pas devoir s’éclaircir. Toujours les mêmes arbres, les mêmes halliers, les mêmes broussailles. À côtoyer le Torrida, en somme, on évitait nombre d’obstacles à travers des fourrés encombrés de palmas llaneras. Nul doute que, le soir, la moyenne de kilomètres, calculée par Jacques Helloch, fût atteinte, sauf complications.

Le sous-bois était tout animé. Des milliers d’oiseaux s’envolaient de branches en branches, pépiant à pleins becs. Les singes cabriolaient sous les ramures, principalement des couples de ces aluates hurleurs, qui ne hurlent pas le jour, et réservent pour le soir ou le matin leurs assourdissants concerts. Parmi les volatiles les plus nombreux, Germain Paterne eut la satisfaction d’observer des bandes de guacharos ou diablotins, dont la présence indiquait que l’on se rapprochait du littoral de l’est. Troublés dans leur tranquillité diurne, car, le plus souvent, ils ne sortent qu’à la nuit des anfractuosités rocheuses, ils se réfugiaient sur la cime des matacas dont les baies, fébrifuges comme l’écorce du coloradito, servent à leur nourriture.

D’autres oiseaux encore voltigeaient de branche en branche, ceux-là passés maîtres en danses et pirouettes, les mâles faisant « le beau » en l’honneur des femelles. À mesure qu’on avancerait vers le nord-est, les espèces aquatiques deviendraient plus rares, car, habituées des bayous, elles ne s’éloignent guère des rives de l’Orénoque.

Entre-temps aussi, Germain Paterne aperçut quelques nids, suspendus aux branches par une légère liane, qui se balançaient à la ma-