Page:Verne - Le Superbe Orénoque, Hetzel, 1898.djvu/423

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
382
LE SUPERBE ORÉNOQUE.

En cet endroit, au pied d’un arbre, gisait un homme dans l’immobilité du sommeil ou de la mort.

Au cri de Gomo, le Père Esperante dirigea son cheval de ce côté, et, en un temps de galop, il eut rejoint le jeune Indien.

« C’est lui… lui ! criait l’enfant.

— Lui ?… » répondit le Père Esperante.

Il sauta à terre, il s’approcha de l’homme…

« Le sergent… le sergent Martial ! » s’écria-t-il.

Le vieux soldat était étendu à cette place, qui était tachée de son sang, la poitrine trouée d’une balle, peut-être mort…

« Martial… Martial !… » répétait le Père Esperante, dont les yeux laissaient échapper de grosses larmes.

Et il soulevait le malheureux, il approchait sa tête de la sienne, il cherchait quelque souffle sur ses lèvres… Puis on l’entendit répéter ces mots :

« Il vit… il vit ! »

En effet, le sergent Martial venait de respirer faiblement. À ce moment, son bras se releva et se rabattit sans force. Puis ses yeux s’entrouvrirent une seconde, et son regard se dirigea vers le missionnaire…

« Vous… mon colonel !… Là-bas… Alfaniz !… »

Et il perdit connaissance, après avoir prononcé cette phrase, entrecoupée de mouvements convulsifs.

Le Père Esperante se redressa, en proie à un inexprimable trouble, au milieu de tant d’idées confuses et inconciliables. Le sergent Martial là… ce jeune garçon qu’il accompagnait à la recherche de son père et qui n’était plus avec lui… tous deux en ces lointaines contrées du Venezuela… Qui donc lui donnerait l’explication de tant d’inexplicables choses, si le malheureux mourait sans avoir pu parler ?… Non !… il ne mourrait pas !… Le missionnaire le sauverait encore une fois… comme il l’avait déjà sauvé sur le champ de bataille… Il le disputerait à la mort…

À son ordre, une des charrettes s’approcha, et le sergent Martial