— Non… qu’ils n’y viennent pas, mon oncle ! » répondit Jean, en montrant une de ces énormes bêtes dont les formidables mâchoires s’ouvraient et se refermaient à grand bruit.
Au surplus, les crocodiles ne sont pas seuls à infester les eaux de l’Orénoque et de ses affluents. Il s’y rencontre aussi les caribes, poissons d’une telle vigueur qu’ils brisent d’un coup les plus forts hameçons, et dont le nom, dérivé de celui de Caraïbe, indique des cannibales aquatiques. En outre, que l’on se défie des raies et des anguilles électriques, ces gymnotes appelées trembladors. Pourvues d’un appareil assez compliqué, elles tuent les autres poissons à coups de décharges que l’homme ne supporterait pas impunément.
Pendant cette journée, les falcas côtoyèrent quelques îles le long desquelles le courant était plus rapide, et, une ou deux fois, il fallut employer l’espilla fixée à de solides racines d’arbres.
En passant devant l’île Verija de Mono, hérissée de massifs à peu près impénétrables, plusieurs coups de fusil retentirent à bord de la Maripare. Une demi-douzaine de canards tombèrent à la surface du fleuve. C’étaient M. Miguel et ses amis qui venaient de se montrer adroits tireurs.
Quelques instants après, la curiare s’approchait de la Gallinetta.
« Pour varier votre ordinaire ! » dit M. Miguel, en offrant une couple de ces canards.
Jean de Kermor remercia M. Miguel, tandis que le sergent Martial grommelait une sorte de remerciement.
Après avoir demandé au jeune garçon comment il avait passé ces deux jours de navigation, et reçu une réponse satisfaisante de tous points, M. Miguel souhaita le bonsoir au neveu comme à l’oncle, et la curiare le ramena à sa pirogue.
Dès la tombée de la nuit, les deux falcas vinrent s’amarrer à l’île Pajaral, la rive droite du fleuve étant encombrée de roches erratiques, sur lesquelles M. Chaffanjon avait pu relever de nombreuses inscriptions, dues au couteau des marchands qui fréquentent cette partie du fleuve.