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Page:Verne - Le Testament d’un excentrique, Hetzel, 1899.djvu/101

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le premier partant.

Le soleil lançait une gerbe de rayons matineux à travers la déchirure des nuages qu’une légère brise d’est promenait au-dessus de la plaine. Quelle satisfaction, après vingt-quatre heures d’emprisonnement dans un wagon de chemin de fer, que d’aller ainsi d’un pas libre et dégourdi !

Il est vrai, Max Réal ne pouvait songer à prendre quelque site au passage. Devant les yeux s’étendaient de longues et arides grèves, peu tentantes pour le pinceau d’un artiste. Aussi marcha-t-il droit vers le Missouri, ce grand tributaire du Mississippi, qui s’appela jadis Misé Souri, Peti Kanoui, c’est-à-dire en langage indien, le « Fleuve bourbeux », dont le cours en cet endroit mesure déjà trois mille milles depuis sa source.

Max Réal avait eu une idée, que n’auraient sans doute ni le commodore Urrican, ni l’entraîneur de Tom Crabbe, ni même Harris T. Kymbale : c’était de se soustraire, autant qu’il le pourrait, à la curiosité publique. Voilà pourquoi il n’avait pas fait connaître son itinéraire en quittant Chicago. Or, la cité d’Omaha s’intéressait non moins que les autres à cette partie du Noble Jeu des États-Unis d’Amérique, et si elle eût su que le premier partant venait d’arriver ce matin-là dans ses murs, elle l’aurait reçu avec les honneurs dus à un personnage de cette importance.

Une ville considérable, cette Omaha, et, compris son faubourg du sud, elle ne compte pas moins de cent cinquante mille habitants. C’est le « boom », — ce que Reclus appelle justement la « période de réclame, de spéculation, d’agiotage et en même temps de travail furieux qui, en 1854, l’a fait surgir des solitudes, comme bien d’autres, avec tout son appareil d’industrie et de civilisation ». Joueurs d’instinct, comment les Omahiens résisteraient-ils au besoin de parier pour tel ou tel des partenaires que l’aveugle destin allait éparpiller sur les territoires de l’Union ?… Et voici que l’un d’eux dédaignait de leur révéler sa présence !… Décidément, ce Max Réal ne faisait rien pour se concilier la faveur de ses concitoyens !… En effet, il se borna à prendre repas dans un modeste hôtel, sans y décliner son