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tom crabbe entraîné par john milner.

La ville est située à l’extrémité d’une pointe sablonneuse. Un viaduc la réunit au continent, et c’est par là que se font les expéditions du commerce, entre autres celles du coton d’une importance considérable.

Le Sherman, dès qu’il eut évolué à travers la passe, alla se ranger contre son appontement.

John Milner ne put retenir un juron de fureur. Quelques centaines de curieux étaient là sur le quai. Prévenus par fil que Tom Crabbe s’était embarqué à la Nouvelle-Orléans pour Galveston, ils l’attendaient à son arrivée.

Et qu’allait leur présenter son entraîneur, au lieu et place du Champion du Nouveau-Monde, deuxième partant du match Hypperbone ?… Une masse informe, qui ressemblait plus à un sac vide qu’à une créature humaine.

John Milner tenta encore de provoquer le redressement physique de Tom Crabbe.

« Eh bien… ça ne va donc pas ?… »

Le sac resta sac, et la vérité est qu’il fallut le transporter sur une civière à Beach-Hotel où un appartement était retenu.

Quelques plaisanteries, quelques quolibets, éclatèrent à son passage, au lieu des hurrahs auxquels il était habitué, et qui avaient salué son départ de Chicago.

Mais, enfin, tout n’était pas désespéré. Dès le lendemain, après une nuit de repos et une série de repas habilement combinés, Tom Crabbe retrouverait sans doute son énergie vitale, sa vigueur normale, et il n’y paraîtrait plus…

Eh bien, pour peu que John Milner se fût tenu ce langage, il se serait encore trompé. La nuit n’apporta aucune modification dans l’état sanitaire de son compagnon. L’anéantissement de toutes ses facultés fut aussi profond le lendemain que la veille. Et pourtant on n’exigeait de lui aucun ressort intellectuel, dont il eût été incapable, mais un simple effort animal. Ce fut inutile. Sa bouche restait hermétiquement fermée depuis qu’il avait touché terre. Elle n’appelait