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Page:Verne - Le Testament d’un excentrique, Hetzel, 1899.djvu/164

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un reporter en voyage.

Les cochers de la ville n’ignoraient pas ce que ce voyageur ultra-généreux avait fait pour Isidorio. Il n’eut donc que l’embarras du choix, et tous lui offrirent leurs services dans la pensée qu’ils ne seraient pas moins bien partagés que leur camarade.

Sans doute, on s’étonnera qu’Isidorio n’eût pas réclamé l’honneur — presque le droit — de reconduire le reporter à la plus prochaine ligne de railroad, et qui sait ?… avec la pensée d’ajouter cent mille dollars à ceux que lui assurait l’engagement d’Harris T. Kymbale… Mais il est probable que ce très pratique Hispano-Américain était non moins satisfait que fatigué. Il vint cependant faire ses adieux au journaliste qui, après avoir traité avec un autre conducteur, se préparait à partir dès trois heures de l’après-midi.

« Eh bien, mon brave, lui dit Harris T. Kymbale, ça va bien ?…

— Ça va bien, monsieur.

— Et, maintenant, je ne crois pas en être quitte avec toi, parce que je t’ai associé à ma fortune…

— Mille et mille fois bon, monsieur Kymbale, je ne mérite pas…

— Si… si… j’ai des remerciements à t’adresser, car, sans ton zèle, ton dévouement, je serais arrivé trop tard… j’eusse été mis hors de partie, et il ne s’en est fallu que de dix minutes !… »

Isidorio écouta cette élogieuse appréciation, calme et goguenard suivant son habitude, et dit :

« Puisque vous êtes content, monsieur Kymbale, je le suis, moi aussi…

— Et les deux font la paire, comme disent nos amis les Français, Isidorio.

— Alors… c’est comme pour les chevaux d’attelage…

— Juste, et quant à ce papier que je t’ai signé, conserve-le précieusement. Puis, lorsque tu m’entendras proclamer dans le monde entier comme le vainqueur du match Hypperbone, fais-toi conduire à Clifton, prends le chemin de fer qui te débarquera à Chicago et passe à la caisse !… Sois sans inquiétude, je ferai honneur à ma signature ! »