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Page:Verne - Le Testament d’un excentrique, Hetzel, 1899.djvu/224

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suite des aventures du commodore urrican.

brise mais encore faut-il pouvoir tenir la mer, et, avec cette embarcation d’une quarantaine de tonneaux, à demi pontée seulement… Non ! jamais on ne saura ce qui se passait dans l’âme bouillonnante du commodore, et s’il y avait mauvais temps au large, il y avait aussi mauvais temps dans le for intérieur d’Hodge Urrican.

L’après-midi, le vent, définitivement fixé à l’ouest, débuta par de larges rafales, coupées de courtes accalmies. Il fut nécessaire d’amener les voiles hautes, et sur cette mer, qui devenait creuse et dure, la goélette s’enleva comme une plume au gré des lames déferlantes.

La nuit fut mauvaise, en ce sens qu’il fallut encore diminuer la voilure.

Maintenant la Chicola se sentait drossée vers la côte floridienne plus qu’il ne convenait. Puisque le temps manquait pour y chercher refuge, coûte que coûte, le cap devait être maintenu au sud-est dans la direction de la pointe.

Le patron manœuvra en marin habile. Turk, la main à la barre, assurait autant que possible la goélette contre les embardées du roulis.

Le commodore aida l’équipage à prendre des ris dans la misaine et la grand’voile, et on ne laissa que le petit foc à mi-bout-dehors. Il était bien difficile de résister à la fois au vent et au courant qui portaient vers la terre.

Et, en effet, dans la matinée du 23, la côte, si basse qu’elle fût, apparut au milieu des vapeurs échevelées de l’horizon.

Huelcar et ses hommes la reconnurent, non sans quelque peine cependant.

« C’est la baie de Whitewater », dirent-ils.

Cette baie, qui échancre profondément le littoral, n’est séparée du détroit de la Floride que par une langue de terre que défend le fort Poinsett à l’extrémité du cap Sable.

Encore une dizaine de milles en cette direction, et la goélette serait par son travers.