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le testament d’un excentrique

promeneurs, puisque nous avons quinze jours pour gagner Cincinnati. »

C’était, en effet, cette métropole qui, d’après le choix du testateur, occupait la trente-cinquième case sur sa carte, et Tom Crabbe allait se trouver en avant des autres partenaires, à l’exception du commodore Urrican.

Le jour même, encouragé, choyé, caressé par ses partisans, Tom Crabbe fut conduit à la gare, hissé en wagon, enveloppé de bonnes couvertures, par précaution, étant donnée la différence de température qui existe entre l’Ohio et le Texas. Puis, le train démarra et fila directement vers la frontière de la Louisiane.

Les deux voyageurs se reposèrent vingt-quatre heures à la Nouvelle-Orléans où ils furent accueillis plus chaleureusement encore que la première fois. Cela tenait à ce que la cote du célèbre boxeur suivait toujours une marche ascendante. Le Tom Crabbe était demandé dans les agences et s’enlevait en toutes les villes de l’Union. C’était un délire, une fureur. Les journaux n’estimèrent pas à moins de quinze cent mille dollars les sommes qui furent engagées sur la tête du deuxième partenaire au cours de son itinéraire entre la capitale du Texas et la métropole de l’Ohio.

« Quel succès ! se disait John Milner, et quel accueil nous attend à Cincinnati !… Eh bien, il faut que ce soit un triomphe… J’ai mon idée ! ».

Et voici quelle était l’idée de John Milner, — que n’eût pas désavouée l’illustre Barnum, — afin de surexciter la curiosité et redoubler l’emballement du public à propos de Tom Crabbe.

Il ne s’agissait pas, comme on serait tenté de le croire, d’annoncer bruyamment, à grand renfort de réclames, l’arrivée du Champion du Nouveau-Monde, et de défier les plus hardis boxeurs de Cincinnati à quelque lutte, dont Tom Crabbe sortirait évidemment victorieux pour reprendre ensuite le cours de ses pérégrinations. Peut-être, d’ailleurs, John Milner tenterait-il un jour de le faire si l’occasion s’en présentait.