Aller au contenu

Page:Verne - Le Testament d’un excentrique, Hetzel, 1899.djvu/280

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
265
à pas de tortue.

jours de repos à Chicago, le délai pour se rendre à l’Utah s’étendant du 19 mai au 2 juin. Et comme Mrs Titbury n’entendait pas renoncer à la partie, le couple quitta Calais le jour même par le premier train, accompagné de tous les vœux que la population faisait… pour leurs concurrents. Après une telle déveine, la cote du troisième partenaire — s’il en avait une toutefois — allait certainement tomber à un taux dérisoire. Le Pavillon Bleu ne serait même plus ni classé, ni placé.

L’infortuné couple n’eut pas d’ailleurs à se préoccuper de l’itinéraire, tout indiqué, qui consistait à reprendre celui qu’il avait suivi jusqu’au Maine. Arrivé à Chicago, il aurait à sa disposition les trains de l’Union Pacific, qui par Omaha, Granger et Ogden atteignent la capitale de l’Utah.

Dans l’après-midi la petite ville fut débarrassée de la présence de ces gens peu sympathiques qui y avaient fait triste figure. On espérait bien que les hasards du Noble Jeu des États-Unis d’Amérique ne les ramèneraient point, — espoir qu’ils partageaient eux-mêmes, on peut le croire.

À quarante-huit heures de là, les Titbury débarquèrent à Chicago, passablement éreintés, il faut en convenir, à la suite de ces déplacements que leur âge et leurs habitudes ne comportaient guère. Ils durent même séjourner quelques jours dans leur maison de Robey Street. M. Titbury fut pris en route d’une attaque de ces rhumatismes de quinquagénaire, qu’il traitait d’ordinaire par le mépris, — sorte de traitement économique, très en rapport avec sa ladrerie originelle.

La vérité est que ses jambes lui refusèrent tout service, et que, de la gare, on dut le transporter jusque chez lui.

Il va de soi que les journaux annoncèrent son arrivée. Les reporters du Staats Zeitung, favorables à sa cause, lui rendirent visite. Mais, en le voyant dans un tel état, ils durent l’abandonner à sa mauvaise chance, et les agences ne lui trouvèrent plus preneurs, pas même à sept contre un.

Toutefois, on comptait sans Kate Titbury, cette maîtresse femme, et elle le fit bien voir. Ce ne fut pas par l’indifférence qu’elle traita