Page:Verne - Le Tour du monde en quatre-vingts jours.djvu/67

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« Mon officier, répondit le guide, je suis Parsi, et cette femme est Parsie. Disposez de moi.

— Bien, guide, répondit Mr. Fogg.

— Toutefois, sachez-le bien, reprit le Parsi, non-seulement nous risquons notre vie, mais des supplices horribles, si nous sommes pris. Ainsi, voyez.

— C’est vu, répondit Mr. Fogg. Je pense que nous devrons attendre la nuit pour agir ?

— Je le pense aussi », répondit le guide.

Ce brave Indou donna alors quelques détails sur la victime. C’était une Indienne d’une beauté célèbre, de race parsie, fille de riches négociants de Bombay. Elle avait reçu dans cette ville une éducation absolument anglaise, et à ses manières, à son instruction, on l’eût crue Européenne. Elle se nommait Aouda.

Orpheline, elle fut mariée malgré elle à ce vieux rajah du Bundelkund. Trois mois après, elle devint veuve. Sachant le sort qui l’attendait, elle s’échappa, fut reprise aussitôt, et les parents du rajah, qui avaient intérêt à sa mort, la vouèrent à ce supplice auquel il ne semblait pas qu’elle pût échapper.

Ce récit ne pouvait qu’enraciner Mr. Fogg et ses compagnons dans leur généreuse résolution. Il fut décidé que le guide dirigerait l’éléphant vers la pagode de Pillaji, dont il se rapprocherait autant que possible.

Une demi-heure après, halte fut faite sous un taillis, à cinq cents pas de la pagode, que l’on ne pouvait apercevoir ; mais les hurlements des fanatiques se laissaient entendre distinctement.

Les moyens de parvenir jusqu’à la victime furent alors discutés. Le guide connaissait cette pagode de Pillaji, dans laquelle il affirmait que la jeune femme était emprisonnée. Pourrait-on y pénétrer par une des portes, quand toute la bande serait plongée dans le sommeil de l’ivresse, ou faudrait-il pratiquer un trou dans une muraille ? C’est ce qui ne pourrait être décidé qu’au moment et au lieu même. Mais ce qui ne fit aucun doute, c’est que l’enlèvement devait s’opérer cette nuit même, et non quand, le jour venu, la victime serait conduite au supplice. À cet instant, aucune intervention humaine n’eût pu la sauver.

Mr. Fogg et ses compagnons attendirent la nuit. Dès que l’ombre se fit, vers six heures du soir, ils résolurent d’opérer une reconnaissance autour de la pagode. Les derniers cris des fakirs s’éteignaient alors. Suivant leur habitude, ces Indiens devaient être plongés dans l’épaisse ivresse du « hang », — opium liquide, mélangé d’une infusion de chanvre, — et il serait peut-être possible de se glisser entre eux jusqu’au temple.

Le Parsi, guidant Mr. Fogg, sir Francis Cromarty et Passepartout, s’avança