Page:Verne - Le Volcan d’or version originale.djvu/118

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en bois, et lorsqu’elles n’étaient pas sillonnées par les traîneaux pendant les longs mois d’hiver, de grosses voitures, de lourds chariots à roues pleines les suivaient à grand fracas au milieu de la foule des chiens.

Autour de Dawson-City, il y avait nombre de jardins potagers dans lesquels poussaient navets, choux, raves, laitues, panais, mais ils n’auraient pas suffi aux besoins des habitants, et il fallait compter sur les légumes venus du Dominion, de la Colombie ou des États-Unis. Quant à la viande conservée, viande de boucherie et gibier, c’étaient les bateaux frigorifiques qui l’apportaient après la débâcle en remontant le Yukon depuis Saint-Michel jusqu’à Dawson-City sur un parcours de (…). Dès la première semaine de juin, les yukoners apparaissaient en aval, et le quai retentissait des sifflements de leurs sirènes.

Il va de soi que le jour de leur arrivée à Dawson-City, les deux religieuses avaient été conduites à l’hôpital qui dépend de I’Église Catholique. Elles furent reçues avec empressement par la Supérieure, qui n’épargna pas ses remerciements à Summy Skim, à Ben Raddle et au Scout pour l’aide, les soins qu’ils avaient donné à sœur Marthe et à sœur Madeleine.

L’accueil que leur fit le docteur Pilcox ne fut pas moins touchant, et en vérité, leur présence était bien nécessaire, car le personnel de l’hospice ne pouvait plus suffire.

En effet, à la suite de ce rigoureux hiver, les salles étaient encombrées, et on ne saurait se figurer à quel état la fatigue, le froid, la misère, avaient réduit ces pauvres gens venus de si loin ! Il y avait en ce moment à Dawson-City des épidémies de scorbut, de diarrhées, de méningites, de fièvres typhoïdes. La statistique des décès s’élevait de jour en jour, et les rues livraient incessamment passage à des corbillards traînés par des chiens, conduisant au cimetière tant de malheureux qu’attendait la tombe banale, creusée dans les entrailles de ce sol aurifère.

Et, pourtant, en dépit de ce lamentable spectacle, les Dawsoniens, ou tout au moins ces mineurs de passage, ne cessaient de s’abandonner à des plaisirs excessifs. Ils se mêlaient dans les casinos, dans les salles de jeu, ceux qui se rendaient pour la première fois aux gisements et ceux qui y retoumaient pour y refaire leurs gains dévorés en quelques mois. On ne se fût guère douté en voyant la foule s’entasser dans les restaurants et les bars qu’une épidémie décimait la ville, ni qu’auprès de quelques centaines de viveurs, de joueurs, d’aventuriers de constitution solide, il y eût tant de misérables n’ayant ni feu ni gîte, des familles entières, hommes, femmes, enfants, que la maladie arrêtait au seuil de cette ville, et qui ne pourraient aller plus loin !

Aussi tout ce monde, avide de plaisirs violents, d’émotions continues, le voyait-on fréquenter les Folies Bergères, les Monte-Carlo, les Dominion,

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