Page:Verne - Le Volcan d’or version originale.djvu/52

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tion de pouvoir s’abriter contre les froids des rafales, les passagers peuvent s’en tirer encore, et, sous le couvert des îles, les mauvaises mers ne sont guère à craindre de Vancouver à Skagway.

Ben Raddle avait pu retenir deux places d’avance dans une des cabines de l’arrière. Elle en contenait une troisième occupée par un Norvégien, nommé Boyen, qui possédait un claim sur la Bonanza, l’un des affluents du Klondike. C’était un homme paisible et doux, hardi et prudent à la fois, de cette race scandinave à laquelle on doit les Audrec et les Nansen. Originaire de Christiania, après avoir revu sa ville natale pendant l’hiver, il retournait à Dawson-City. En somme, un compagnon de voyage peu gênant, peu communicatif, et Summy Skim ne put échanger avec lui que quelques paroles de politesse.

Mais il était heureux pour les deux cousins qu’ils n’eussent pas à partager pendant le voyage la cabine du Texien. Hunter et son compagnon en avaient retenu une de quatre places bien qu’ils ne fussent que deux. Et même, plusieurs passagers qui n’avaient pu en trouver de disponibles à bord avaient vainement prié ces grossiers personnages de leur laisser les deux places vacantes. Ils en avaient été pour leur peine, sans parler d’un brutal refus en réponse à leur demande.

On le voit, ce Hunter et ce Malone — ainsi se nommait l’autre — ne regardaient pas au prix. S’ils gagnaient beaucoup à l’exploitation de leur claim, ils étaient gens à tout dépenser, en prodigues joueurs et en débauchés, habitués de ces tripots, dont le nombre tendait déjà à s’accroître dans ce milieu interlope de Dawson-City. Comme le Foot-Ball possédait un salon de (…) et de poker, ils y passeraient de longues heures, sans doute. Du reste, la plupart des passagers n’éprouvaient aucun désir de les fréquenter, et ils ne cherchaient à fréquenter personne.

Dès six heures du matin, après être sorti du port et de la baie de Vancouver, le Foot-Ball avait pris direction à travers le canal afin de gagner l’extrémité septentrionale de l’île. À partir de ce point, le plus souvent à l’abri des îles de la Reine Charlotte et du Prince de Galles, il n’aurait qu’à remonter à petite distance le long de la côte américaine.

Les passagers de l’arrière, d’ailleurs, ne devaient guère quitter la dunette qui leur était réservée. Le pont était encombré par des baraquernents qui renfermaient les animaux, bœufs, chevaux, ânes, rennes qu’on ne pouvait laisser impunément en liberté. Mais il n’en allait pas ainsi de cette tourbe des chiens qui circulaient en hurlant au milieu des groupes de la seconde classe, homme jeunes encore, mais frappés des stigmates de la misère, femmes épuisées déjà, entourées d’enfants souffreteux. Ceux-là émigraient non point pour exploiter quelque gisement à leur compte, mais pour mettre leurs bras au service des syndicats dont ils se disputaient les salaires.

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