rivières ne tarderont pas à se dégager. D’ailleurs, en suivant les passes, dussions-nous allonger la route, notre bateau…
— N’aura point à quitter son élément naturel, acheva Summy Skim. C’est au mieux.
— Qu’en pense Neluto ? demanda Ben Raddle.
— Neluto pense, déclara sentencieusement l’Indien, qu’il n’y a pas à craindre que le dégel s’arrête si le thermomètre ne baisse pas.
— Fort bien ! approuva Ben Raddle en riant. Vous ne risquez pas de vous compromettre, mon garçon… Mais les glaces en dérive ne sont-elles pas à redouter ?
— Oh ! le bateau est solide, affirma Bill Stell. Il a déjà fait ses preuves en naviguant au milieu de la débâcle.
Ben se retourna vers l’Indien.
— Voyons, Neluto, insista-t-il, ne voulez-vous pas me donner plus clairement votre opinion ?
— Voici deux jours que les premières glaces se sont mises en mouvement, répondit le pilote, preuve que le haut lac doit être dégagé.
— Ah ! ah ! fit Ben d’un air satisfait, voilà enfin une opinion. Et la brise, pilote, qu’en pensez-vous ?
— Elle s’est levée deux heures avant le jour et nous est favorable.
— C’est un fait, cela, pilote. Mais, tiendra-t-elle ?
Neluto se retourna et parcourut du regard l’horizon du Sud que fermait le massif du Chilkoot. À peine si de légères brumes glissaient sur le flanc de la montagne. Après avoir tendu la main dans cette direction, le pilote répondit :
— Je crois que la brise tiendra jusqu’au soir, monsieur…
— All right !
— …À moins qu’elle ne change d’ici là, acheva Neluto avec le plus grand sérieux.
— Merci, pilote, dit Ben vexé. Me voici parfaitement fixé. »