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LES 500 MILLIONS DE LA BÉGUM

« Ce qui vaut mieux et ce qui peut seul nous intéresser, c’est que l’expérience sanitaire est des plus concluantes. Tandis que la mortalité annuelle, dans les villes les plus favorisées de la vieille Europe ou du Nouveau Monde, n’est jamais sensiblement descendue au-dessous de trois pour cent, à France-Ville la moyenne de ces cinq dernières années n’est que de un et demi. Encore ce chiffre est-il grossi par une petite épidémie de fièvre paludéenne qui a signalé la première campagne. Celui de l’an dernier, pris séparément, n’est que de un et quart. Circonstance plus importante encore : à quelques exceptions près, toutes les morts actuellement enregistrées ont été dues à des affections spécifiques et la plupart héréditaires. Les maladies accidentelles ont été à la fois infiniment plus rares, plus limitées et moins dangereuses que dans aucun autre milieu. Quant aux épidémies proprement dites, on n’en a point vu.

« Les développements de cette tentative seront intéressants à suivre. Il sera curieux, notamment, de rechercher si l’influence d’un régime aussi scientifique sur toute la durée d’une génération, à plus forte raison de plusieurs générations, ne pourrait pas amortir les prédispositions morbides héréditaires.

« Il n’est assurément pas outrecuidant de l’espérer, a écrit un des fondateurs de cette étonnante agglomération, et, dans ce cas, quelle ne serait pas la grandeur du résultat ! Les hommes vivant jusqu’à quatre-vingt-dix ou cent ans, ne mourant plus que de vieillesse, comme la plupart des animaux, comme les plantes ! »

« Un tel rêve a de quoi séduire !

« S’il nous est permis, toutefois, d’exprimer notre opinion sincère, nous n’avons qu’une foi médiocre dans le succès définitif de l’expérience. Nous y apercevons un vice originel et vraisemblablement fatal, qui est de se trouver aux mains d’un comité où l’élément latin domine et dont l’élément germanique a été systématiquement exclu. C’est là un fâcheux symptôme. Depuis que le monde existe, il ne s’est rien fait de durable que par l’Allemagne, et il ne se fera rien sans elle de définitif. Les fondateurs de France-Ville auront bien pu déblayer le terrain, élucider quelques points spéciaux ; mais ce n’est pas encore sur ce point de l’Amérique, c’est aux bords de la Syrie que nous verrons s’élever un jour la vraie cité modèle. »