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LES RÉVOLTÉS

Le 19 mai, la Résolution, qui avait été pourvue de voiles, et la Pandore reprirent la mer. Pendant trois mois, ces deux bâtiments croisèrent à travers l’archipel des Amis, où l’on supposait que Christian et le reste des révoltés avaient pu se réfugier. La Résolution, d’un faible tirant d’eau, rendit même de grands services pendant cette croisière ; mais elle disparut dans les parages de l’île Chatam, et, bien que la Pandore fût restée plusieurs jours en vue, jamais on n’en entendit parler, ni des cinq marins qui la montaient.

La Pandore avait repris la route d’Europe avec ses prisonniers, lorsque, dans le détroit de Torrès, elle donna contre un écueil de corail et sombra presque aussitôt avec trente et un de ses matelots et quatre des révoltés.

L’équipage et les prisonniers qui avaient échappé au naufrage gagnèrent alors un îlot sablonneux. Là, les officiers et les matelots purent s’abriter sous des tentes ; mais les rebelles, exposés aux ardeurs d’un soleil vertical, furent réduits, pour trouver un peu de soulagement, à s’enfoncer dans le sable jusqu’au cou.

Les naufragés restèrent sur cet îlot pendant quelques jours ; puis, tous gagnèrent Timor dans les chaloupes de la Pandore, et la surveillance si rigoureuse dont les mutins étaient l’objet ne fut pas un moment négligée, malgré la gravité des circonstances.

Arrivés en Angleterre au mois de juin 1792, les révoltés passèrent devant un conseil de guerre présidé par l’amiral Hood. Les débats durèrent six jours et se terminèrent par l’acquittement de quatre des accusés et la condamnation à mort des six autres, pour crime de désertion et enlèvement du bâtiment confié à leur garde. Quatre des condamnés furent pendus à bord d’un vaisseau de guerre ; les deux autres, Stewart et Peter Heywood, dont l’innocence avait enfin été reconnue, furent graciés.

Mais qu’était devenue la Bounty ? Avait-elle fait naufrage avec les derniers des révoltés ? Voilà ce qu’il était impossible de savoir.

En 1814, vingt-cinq ans après la scène par laquelle ce récit commence, deux navires de guerre anglais croisaient en Océanie sous le commandement du capitaine Staines. Ils se trouvaient, au sud de l’archipel Dangereux, en vue d’une île montagneuse et volcanique que Carteret avait découverte dans son voyage autour du monde, et à laquelle il avait donné le nom de Pitcairn. Ce n’était qu’un cône, presque sans rivage, qui s’élevait à pic au-dessus de la mer, et que tapissaient jusqu’à sa cime des forêts de palmiers et d’arbres à pain. Jamais cette île n’avait été visitée ; elle se trouvait à douze cents milles de Taïti, par 25° 4′ de latitude sud et 180° 8′ de longitude ouest ; elle ne mesurait que