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LE BLOC CENTRAL

Le jeune ouvrier fut alors ressaisi par les acolytes gris, et, avec le même cérémonial, c’est-à-dire les yeux bandés, conduit au bureau du directeur général.

« Vous êtes présenté pour l’un des ateliers de dessin à la division des modèles, lui dit ce personnage. Êtes-vous disposé à vous soumettre aux conditions du règlement ?

— Je ne les connais pas, dit Marcel, mais je présume qu’elles sont acceptables.

— Les voici : 1° Vous êtes astreint, pour toute la durée de votre engagement, à résider dans la division même. Vous ne pouvez en sortir que sur autorisation spéciale et tout à fait exceptionnelle. — 2° Vous êtes soumis au régime militaire, et vous devez obéissance absolue, sous les peines militaires, à vos supérieurs. Par contre, vous êtes assimilé aux sous-officiers d’une armée active, et vous pouvez, par un avancement régulier, vous élever aux plus hauts grades. —  3° Vous vous engagez par serment à ne jamais révéler à personne ce que vous voyez dans la partie de la division où vous avez accès. — 4° Votre correspondance est ouverte par vos chefs hiérarchiques, à la sortie comme à la rentrée, et doit être limitée à votre famille.

— Bref, je suis en prison, » pensa Marcel.

Puis, il répondit très-simplement :

« Ces conditions me paraissent justes et je suis prêt à m’y soumettre.

— Bien. Levez la main… Prêtez serment… Vous êtes nommé dessinateur au 4e  atelier… Un logement vous sera assigné, et, pour les repas, vous avez ici une cantine de premier ordre… Vous n’avez pas vos effets avec vous ?

— Non, monsieur. Ignorant ce qu’on me voulait, je les ai laissés chez mon hôtesse.

— On ira vous les chercher, car vous ne devez plus sortir de la division.

— J’ai bien fait, pensa Marcel, d’écrire mes notes en langage chiffré ! On n’aurait eu qu’à les trouver !… »

Avant la fin du jour, Marcel était établi dans une jolie chambrette, au quatrième étage d’un bâtiment ouvert sur une vaste cour, et il avait pu prendre une première idée de sa vie nouvelle.

Elle ne paraissait pas devoir être aussi triste qu’il l’aurait cru d’abord. Ses camarades, — il fit leur connaissance au restaurant, — étaient en général calmes et doux, comme tous les hommes de travail. Pour essayer de s’égayer un peu, car la gaieté manquait à cette vie automatique, plusieurs d’entre eux avaient formé un orchestre et faisaient tous les soirs d’assez bonne mu-