Page:Verne - Les Enfants du capitaine Grant.djvu/11

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enflammés par la convoitise, et ses mâchoires béantes, lorsqu’il se retournait, découvraient une quadruple rangée de dents. Sa tête était large et disposée comme un double marteau au bout d’un manche. John Mangles n’avait pu s’y tromper ; c’était là le plus vorace échantillon de la famille des squales, le poisson-balance des Anglais, le poisson-juif des Provençaux.



Les passagers et les marins du Duncan suivaient avec une vive attention les mouvements du requin. Bientôt l’animal fut à portée de l’émerillon ; il se retourna sur le dos pour le mieux saisir, et l’énorme amorce disparut dans son vaste gosier. Aussitôt il « se ferra » lui-même, en donnant une violente secousse au câble, et les matelots halèrent le monstrueux squale au moyen d’un palan frappé à l’extrémité de la grande vergue.

Le requin se débattit violemment, en se voyant arracher de son élément naturel. Mais on eut raison de sa violence. Une corde munie d’un nœud coulant le saisit par la queue et paralysa ses mouvements. Quelques instants après, il était enlevé au-dessus des bastingages et précipité sur le pont du yacht. Aussitôt, un des marins s’approcha de lui, non sans précaution, et, d’un coup de hache porté avec vigueur, il trancha la formidable queue de l’animal.

La pêche était terminée ; il n’y avait plus rien à craindre de la part du monstre ; la vengeance des marins se trouvait satisfaite, mais non leur curiosité. En effet, il est d’usage à bord de tout navire de visiter soigneusement l’estomac des requins. Les matelots, connaissent sa voracité peu délicate, s’attendent à quelque surprise, et leur attente n’est pas toujours trompée.

Lady Glenarvan ne voulut pas assister à cette répugnante « exploration, »