cela arrive quelquefois, et, pour ma part, je ne serais pas fâché d’assister à un pareil spectacle.
— Voilà bien notre savant, répondit Glenarvan, il pousserait l’amour de la science jusqu’à se faire brûler vif.
— Ma foi non, mon cher Glenarvan ; mais on a lu son Cooper, et Bas de Cuir nous a enseigné le moyen d’arrêter la marche des flammes en arrachant l’herbe autour de soi dans un rayon de quelques toises. Rien n’est plus simple. Aussi, je ne redoute pas l’approche d’un incendie, et je l’appelle de tous mes vœux ! »
Mais les désirs de Paganel ne devaient pas se réaliser, et s’il rôtit à moitié, ce fut uniquement à la chaleur des rayons du soleil qui versait une insoutenable ardeur. Les chevaux haletaient sous l’influence de cette température tropicale. Il n’y avait pas d’ombre à espérer, à moins qu’elle ne vînt de quelque rare nuage voilant le disque enflammé ; l’ombre courait alors sur le sol uni, et les cavaliers, poussant leur monture, essayaient de se maintenir dans la nappe fraîche que les vents d’ouest chassaient devant eux. Mais les chevaux, bientôt distancés, demeuraient en arrière, et l’astre dévoilé arrosait d’une nouvelle pluie de feu le terrain calciné des Pampas.
Cependant, quand Wilson avait dit que la provision d’eau ne manquerait pas, il comptait sans la soif inextinguible qui dévora ses compagnons pendant cette journée ; quand il avait ajouté que l’on rencontrerait quelque rio sur la route, il s’était trop avancé. En effet, non-seulement les rios manquaient, car la planité du sol ne leur offrait aucun lit favorable, mais les mares artificielles creusées de la main des Indiens étaient également taries. En voyant les symptômes de sécheresse s’accroître de mille en mille, Paganel fit quelques observations à Thalcave, et lui demanda où il comptait trouver de l’eau.
« Au lac Salinas, répondit l’Indien.
— Et quand y arriverons-nous ?
— Demain soir. »
Les Argentins, ordinairement, quand ils voyagent dans la Pampa, creusent des puits et trouvent l’eau à quelques toises au-dessous du sol. Mais les voyageurs, privés des outils nécessaires, n’avaient pas cette ressource. Il fallut donc se rationner, et si l’on ne souffrit pas absolument de l’irritant besoin de boire, personne, du moins, ne put étancher complètement sa soif.
Le soir, on fit halte après une traite de trente milles. Chacun comptait sur une bonne nuit pour se remettre des fatigues du jour, et elle fut précisément troublée par une nuée de moustiques et de maringouins. Leur présence indiquait un changement du vent, qui, en effet,