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Page:Verne - Les Enfants du capitaine Grant.djvu/258

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— Paganel, répondit sérieusement le major, quand vous aurez besoin de ma longue-vue, elle sera toujours à votre disposition.

— Commençons donc, répliqua Paganel. Mesdames et Messieurs, vous composez la galerie qui nous juge. Toi, Robert, tu marqueras les points. »

Lord et lady Glenarvan, Mary et Robert, le major et John Mangles, que la discussion amusait, se préparèrent à écouter le géographe. Il s’agissait, d’ailleurs, de l’Australie, vers laquelle les conduisait le Duncan, et son histoire ne pouvait venir plus à propos. Paganel fut donc invité à commencer sans retard ses tours de mnémotechnie.

« Mnémosyne ! s’écria-t-il, déesse de la mémoire, mère des chastes muses, inspire ton fidèle et fervent adorateur ! Il y a deux cent cinquante-huit ans, mes amis, l’Australie était encore inconnue. On soupçonnait bien l’existence d’un grand continent austral ; deux cartes conservées dans la bibliothèque de votre Musée britannique, mon cher Glenarvan, et datées de 1550, mentionnent une terre au sud de l’Asie, qu’elles appellent la Grande Java des Portugais. Mais ces cartes ne sont pas suffisamment authentiques. J’arrive donc au xviie siècle, en 1606. Cette année-là, un navigateur espagnol, Quiros, découvrit une terre qu’il nomma Australia de Espiritu Santo. Quelques auteurs ont prétendu qu’il s’agissait du groupe des Nouvelles Hébrides, et non de l’Australie. Je ne discuterai pas la question. Compte ce Quiros, Robert, et passons à un autre.

— Un, dit Robert.

— Dans la même année, Luiz Vaz de Torres, qui commandait en second la flotte de Quiros, poursuivit plus au sud la reconnaissance des nouvelles terres. Mais c’est au Hollandais Théodoric Hertoge que revient l’honneur de la grande découverte. Il atterrit à la côte occidentale de l’Australie par 25° de latitude, et lui donna le nom d’Eendracht, que portait son navire. Après lui, les navigateurs se multiplient. En 1618, Zeachen reconnaît sur la côte septentrionale les terres d’Arnheim et de Diemen. En 1619, Jean Edels prolonge et baptise de son propre nom une portion de la côte ouest. En 1622, Leuwin descend jusqu’au cap devenu son homonyme. En 1627, de Nuitz et de Witt, l’un à l’ouest, l’autre au sud, complètent les découvertes de leurs prédécesseurs, et sont suivis par le commandant Carpenter, qui pénètre avec ses vaisseaux dans cette vaste échancrure encore nommée golfe de Carpentarie. Enfin, en 1642, le célèbre marin Tasman contourne l’île de Van-Diemen, qu’il croit rattachée au continent, et lui donne le nom du gouverneur général de Batavia, nom que la postérité, plus juste, a changé pour celui de Tasmanie. Alors le continent australien était tourné ; on savait que l’océan Indien et le Pacifique l’entouraient de leurs eaux, et, en 1665, le nom de Nouvelle-Hollande qu’elle ne