Page:Verne - Les Enfants du capitaine Grant.djvu/263

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— Non, major, répondit Paganel d’un air vexé.

— C’est tout simplement parce que le capitaine Baudin, qui n’était pourtant pas timide, eut tellement peur en 1802 du croassement des grenouilles australiennes, qu’il leva l’ancre au plus vite et s’enfuit pour ne jamais revenir.

— Quoi ! s’écria le savant, dit-on cela en Angleterre ? Mais c’est une mauvaise plaisanterie !

— Très mauvaise, je l’avoue, répondit le major, mais elle est historique dans le Royaume-Uni.

— C’est une indignité ! s’écria le patriotique géographe. Et cela se répète sérieusement ?

— Je suis forcé d’en convenir, mon cher Paganel, répondit Glenarvan au milieu d’un éclat de rire général. Comment ! vous ignoriez cette particularité ?

— Absolument. Mais je proteste ! D’ailleurs, les Anglais nous appellent « mangeurs de grenouilles ! » Or, généralement, on n’a pas peur de ce que l’on mange.

— Cela ne se dit pas moins, Paganel, » répondit le major en souriant modestement.

Et voilà comment cette fameuse carabine de Purdey Moore et Dickson resta la propriété du major Mac Nabbs.


CHAPITRE V


LES COLÈRES DE L’OCÉAN INDIEN.


Deux jours après cette conversation, John Mangles ayant fait son point à midi, annonça que le Duncan se trouvait par 113° 37′ de longitude. Les passagers consultèrent la carte du bord et virent, non sans grande satisfaction, que cinq degrés à peine les séparaient du cap Bernouilli. Entre ce cap et la pointe d’Entrecasteaux, la côte australienne décrit un arc que sous-tend le trente-septième parallèle. Si alors le Duncan fût remonté vers l’Équateur, il aurait eu promptement connaissance du cap Chatham, qui lui restait à cent vingt milles dans le nord. Il naviguait alors dans cette partie de la mer des Indes abritée par le continent australien. On pouvait donc espérer que, sous quatre jours, le cap Bernouilli se relèverait à l’horizon.