Page:Verne - Les Enfants du capitaine Grant.djvu/27

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donner leur vie pour celle qu’ils nommaient : notre bonne dame de Luss.

Lord Glenarvan et lady Helena vivaient heureux à Malcolm-Castle, au milieu de cette nature superbe et sauvage des Highlands, se promenant sous les sombres allées de marronniers et de sycomores, aux bords du lac où retentissaient encore les pibrochs[1] du vieux temps, au fond de ces gorges incultes dans lesquelles l’histoire de l’Écosse est écrite en ruines


séculaires. Un jour ils s’égaraient dans les bois de bouleaux ou de mélèzes, au milieu des vastes champs de bruyères jaunies ; un autre jour, ils gravissaient les sommets abrupts du Ben Lomond, ou couraient à cheval à travers les glens abandonnés, étudiant, comprenant, admirant cette poétique contrée encore nommée « le pays de Rob-Roy, » et tous ces sites célèbres, si vaillamment chantés par Walter Scott. Le soir, à la nuit tombante, quand « la lanterne de Mac Farlane » s’allumait à l’horizon, ils allaient errer le long des bartazennes, vieille galerie circulaire qui faisait un collier de créneaux au château de Malcolm, et là, pensifs, oubliés et comme seuls au monde, assis sur quelque pierre détachée, au milieu du silence de la nature, sous les pâles rayons de la lune, tandis que la nuit se faisait peu à peu au sommet des montagnes assombries, ils demeuraient ensevelis dans cette limpide extase et ce ravissement intime dont les cœurs aimants ont seuls le secret sur la terre.

Ainsi se passèrent les premiers mois de leur mariage. Mais lord Glenarvan n’oubliait pas que sa femme était fille d’un grand voyageur ; il se dit que lady Helena devait avoir dans le cœur toutes les aspirations de son

  1. Chants de guerre.