Page:Verne - Les Enfants du capitaine Grant.djvu/318

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« Il n’existe aucun autre moyen de franchir cette rivière ? demanda Glenarvan au quartier-maître.

— Non, mylord, répondit Ayrton, mais ce passage ne me semble pas dangereux. Nous nous en tirerons.

— Lady Glenarvan et miss Grant doivent-elles quitter le chariot ?

— Aucunement. Mes bœufs ont le pied sûr, et je me charge de les maintenir dans la bonne voie.

— Allez, Ayrton, répondit Glenarvan, je me fie à vous. »

Les cavaliers entourèrent le lourd véhicule, et l’on entra résolument dans la rivière. Les chariots, ordinairement, quand ils tentent ces passages à gué, sont entourés d’un chapelet de tonnes vides qui les soutient à la surface des eaux. Mais ici cette ceinture natatoire manquait ; il fallait donc se confier à la sagacité des bœufs tenus en main par le prudent Ayrton. Celui-ci, de son siège, dirigeait l’attelage ; le major et les deux matelots fendaient le rapide courant à quelques toises en tête ; Glenarvan et John Mangles, de chaque côté du chariot, se tenaient prêts à secourir les voyageuses, Paganel et Robert fermaient la ligne.

Tout alla bien jusqu’au milieu de la Wimerra. Mais alors, le creux s’accusa davantage, et l’eau monta au-dessus des jantes. Les bœufs, rejetés hors du gué, pouvaient perdre pied et entraîner avec eux l’oscillante machine. Ayrton se dévoua courageusement ; il se mit à l’eau, et, s’accrochant aux cornes des bœufs, il parvint à les remettre en droit chemin.

En ce moment, un heurt impossible à prévoir eut lieu ; un craquement se fit ; le chariot s’inclina sous un angle inquiétant ; l’eau gagna les pieds des voyageuses ; tout l’appareil commença à dériver, en dépit de Glenarvan et de John Mangles, cramponnés aux ridelles. Ce fut un moment plein d’anxiété.

Fort heureusement, un vigoureux coup de collier rapprocha le véhicule de la rive opposée. La rivière offrit aux pieds des bœufs et des chevaux une pente remontante, et bientôt hommes et bêtes se trouvèrent en sûreté sur l’autre bord, non moins satisfaits que trempés.

Seulement l’avant-train du chariot avait été brisé par le choc, et le cheval de Glenarvan se trouvait déferré des pieds de devant.

Cet accident demandait une réparation prompte. On se regardait donc d’un air assez embarrassé, quand Ayrton proposa d’aller à la station de Black-Point, située à vingt milles au nord, et d’en ramener un maréchal ferrant.

« Allez, allez, mon brave Ayrton, lui dit Glenarvan. Que vous faut-il de temps pour faire ce trajet et revenir au campement ?

— Quinze heures peut-être, répondit Ayrton, mais pas plus.