Page:Verne - Les Enfants du capitaine Grant.djvu/324

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

nardou », plante aquatique dont les sporules sont comestibles. Faute d’eau, faute de moyens pour la transporter, ils ne peuvent s’éloigner des rives du Cooper. Un incendie brûle leur cabane et leurs effets de campement. Ils sont perdus ! Ils n’ont plus qu’à mourir !

« Burke appela King près de lui : « Je n’ai plus que quelques heures à vivre, lui dit-il ; voilà ma montre et mes notes. Quand je serai mort, je désire que vous placiez un pistolet dans ma main droite, et que vous me laissiez tel que je serai, sans me mettre en terre ! » Cela dit, Burke ne parla plus, et il expira le lendemain matin à huit heures.

« King, épouvanté, éperdu, alla à la recherche d’une tribu australienne. Lorsqu’il revint, Wills venait de succomber aussi. Quant à King, il fut recueilli par des indigènes et, au mois de septembre, retrouvé par l’expédition de M. Howitt, envoyée à la recherche de Burke en même temps que Mac Kinlay et Landsborough. Ainsi donc, des quatre explorateurs, un seul survécut à cette traversée du continent australien. »

Le récit de Paganel avait laissé une impression douloureuse dans l’esprit de ses auditeurs. Chacun songeait au capitaine Grant, qui errait peut-être comme Burke et les siens au milieu de ce continent funeste. Les naufragés avaient-ils échappé aux souffrances qui décimèrent ces hardis pionniers ? Ce rapprochement fut si naturel, que les larmes vinrent aux yeux de Mary Grant.

« Mon père ! mon pauvre père ! murmura-t-elle.

— Miss Mary ! miss Mary ! s’écria John Mangles, pour endurer de tels maux, il faut affronter les contrées de l’intérieur ! Le capitaine Grant, lui, est entre les mains des indigènes, comme King, et, comme King, il sera sauvé ! Il ne s’est jamais trouvé dans d’aussi mauvaises conditions !

— Jamais, ajouta Paganel, et je vous le répète, ma chère miss, les australiens sont hospitaliers.

— Dieu vous entende ! répondit la jeune fille.

— Et Stuart ? demanda Glenarvan, qui voulait détourner le cours de ces tristes pensées.

— Stuart ? répondit Paganel. Oh ! Stuart a été plus heureux, et son nom est célèbre dans les annales australiennes. Dès l’année 1848, John Mac Douall Stuart, votre compatriote, mes amis, préludait à ses voyages, en accompagnant Stuart dans les déserts situés au nord d’Adélaïde. En 1860, suivi de deux hommes seulement, il tenta, mais en vain, de pénétrer dans l’intérieur de l’Australie. Ce n’était pas un homme à se décourager. En 1861, le 1er janvier, il quitta le Chambers-creek, à la tête de onze compagnons déterminés, et ne s’arrêta qu’à soixante lieues du golfe de Carpentarie ; mais, les provisions manquant, il dut revenir à Adélaïde sans avoir