Page:Verne - Les Enfants du capitaine Grant.djvu/396

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était nécessaire à l’expédition, qu’aux approches de la côte le pays lui serait connu, que si le hasard mettait la caravane sur les traces d’Harry Grant, le quartier-maître serait plus qu’un autre capable de les suivre, enfin que seul il pouvait indiquer l’endroit où s’était perdu le Britannia.

Mac Nabbs opina donc pour la continuation du voyage sans rien changer à son programme. Il trouva un auxiliaire dans John Mangles qui se rangea à son avis. Le jeune capitaine fit même observer que les ordres de Son Honneur parviendraient plus facilement au Duncan s’ils étaient expédiés de Twofold-Bay, que par l’entremise d’un messager forcé de parcourir deux cents milles d’un pays sauvage.

Ce parti prévalut. Il fut décidé qu’on attendrait pour agir l’arrivée à Twofold-Bay. Le major observait Ayrton, qui lui parut assez désappointé. Mais il n’en dit rien, et, suivant sa coutume, il garda ses observations pour son compte.

Les plaines qui s’étendent au pied des Alpes australiennes étaient unies, avec une légère inclinaison vers l’est. De grands bouquets de mimosas et d’eucalyptus, des gommiers d’essences diverses, en rompaient çà et là la monotone uniformité. Le « gastrolobium grandiflorum » hérissait le sol de ses arbustes aux fleurs éclatantes. Quelques creeks sans importance, de simples ruisseaux encombrés de petits joncs et envahis par les orchidées, coupèrent souvent la route. On les passa à gué. Au loin s’enfuyaient à l’approche des voyageurs des bandes d’outardes et de casoars. Au-dessus des arbrisseaux sautaient et ressautaient des kanguroos comme une troupe de pantins élastiques. Mais les chasseurs de l’expédition ne songeaient guère à chasser, et leurs chevaux n’avaient pas besoin de ce surcroît de fatigue.

D’ailleurs, une lourde chaleur pesait sur la contrée. Une électricité violente saturait l’atmosphère. Bêtes et gens subissaient son influence. Ils allaient devant eux sans en chercher davantage. Le silence n’était interrompu que par les cris d’Ayrton excitant son attelage accablé.

De midi à deux heures, on traversa une curieuse forêt de fougères qui eût excité l’admiration de gens moins harassés. Ces plantes arborescentes, en pleine floraison, mesuraient jusqu’à trente pieds de hauteur. Chevaux et cavaliers passaient à l’aise sous leurs ramilles retombantes, et parfois la molette d’un éperon résonnait en heurtant leur tige ligneuse. Sous ces parasols immobiles régnait une fraîcheur dont personne ne songea à se plaindre. Jacques Paganel, toujours démonstratif, poussa quelques soupirs de satisfaction qui firent lever des troupes de perruches et de kakatoès. Ce fut un concert de jacasseries assourdissantes.

Le géographe continuait de plus belle ses cris et ses jubilations, quand