Page:Verne - Les Enfants du capitaine Grant.djvu/398

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ses compagnons le virent tout d’un coup chanceler sur son cheval et s’abattre comme une masse. Était-ce quelque étourdissement, pis même, une suffocation causée par la haute température ?

On courut à lui.

« Paganel ! Paganel ! qu’avez-vous ? s’écria Glenarvan.

— J’ai, cher ami, que je n’ai plus de cheval, répondit Paganel en se dégageant de ses étriers.

— Quoi ! votre cheval ?

— Mort, foudroyé, comme celui de Mulrady ! »

Glenarvan, John Mangles, Wilson, examinèrent l’animal. Paganel ne se trompait pas. Son cheval venait d’être frappé subitement.

« Voilà qui est singulier, dit John Mangles.

— Très-singulier, en effet, » murmura le major.

Glenarvan ne laissa pas d’être préoccupé de ce nouvel accident. Il ne pouvait se remonter dans ce désert. Or, si une épidémie frappait les chevaux de l’expédition, il serait très-embarrassé pour continuer sa route.

Or, avant la fin du jour, le mot « épidémie » sembla devoir se justifier. Un troisième cheval, celui de Wilson, tomba mort, et, circonstance plus grave peut-être, un des bœufs fut également frappé. Les moyens de transport et de traction étaient réduits à trois bœufs et quatre chevaux.

La situation devint grave. Les cavaliers démontés pouvaient, en somme, prendre leur parti d’aller à pied. Bien des squatters l’avaient fait déjà, à travers ces régions désertes. Mais s’il fallait abandonner le chariot, que deviendraient les voyageuses ? Pourraient-elles franchir les cent vingt milles qui les séparaient encore de la baie Twofold ?

John Mangles et Glenarvan, très-inquiets, examinèrent les chevaux survivants. Peut-être pouvait-on prévenir de nouveaux accidents. Examen fait, aucun symptôme de maladie, de défaillance même, ne fut remarqué. Ces animaux étaient en parfaite santé et supportaient vaillamment les fatigues du voyage. Glenarvan espéra donc que cette singulière épidémie ne ferait pas d’autres victimes.

Ce fut aussi l’avis d’Ayrton, qui avouait ne rien comprendre à ces morts foudroyantes.

On se remit en marche. Le chariot servait de véhicule aux piétons qui s’y délassaient tour à tour. Le soir, après une marche de dix milles seulement, le signal de halte fut donné, le campement fut organisé, et la nuit se passa sans encombre, sous un vaste bouquet de fougères arborescentes, entre lesquelles passaient d’énormes chauves-souris, justement nommées des renards volants.