— Oui ! car Ben Joyce surprendra le navire, répondit le major, et alors…
— Eh bien ! il faut que nous arrivions à la côte avant ces misérables ! dit Paganel.
— Mais comment franchir la Snowy ? dit Wilson.
— Comme eux, répondit Glenarvan. Ils vont passer au pont de Kemple-Pier, nous y passerons aussi.
— Mais Mulrady, que deviendra-t-il ? demanda lady Helena.
— On le portera ! On se relayera ! Puis-je livrer mon équipage sans défense à la troupe de Ben Joyce ? »
L’idée de passer la Snowy au pont de Kemple-Pier était praticable, mais hasardeuse. Les convicts pouvaient s’établir sur ce point et le défendre. Ils seraient au moins trente contre sept ! Mais il est des moments où l’on ne se compte pas, où il faut marcher quand même.
« Mylord, dit alors John Mangles, avant de risquer notre dernière chance, avant de s’aventurer vers ce pont, il est prudent d’aller le reconnaître. Je m’en charge.
— Je vous accompagnerai, John, » répondit Paganel.
Cette proposition acceptée, John Mangles et Paganel se préparèrent à partir à l’instant. Ils devaient descendre la Snowy, suivre ses bords jusqu’à l’endroit où ils rencontreraient ce point signalé par Ben Joyce, et se dérober surtout à la vue des convicts qui devaient battre les rives.
Donc, munis de vivres et bien armés, les deux courageux compagnons partirent, et disparurent bientôt en se faufilant au milieu des grands roseaux de la rivière.
Pendant toute la journée, on les attendit. Le soir venu, ils n’étaient pas encore revenus. Les craintes furent très-vives.
Enfin, vers onze heures, Wilson signala leur retour. Paganel et John Mangles étaient harassés par les fatigues d’une marche de dix milles.
« Ce pont ! Ce pont existe-t-il ? demanda Glenarvan, qui s’élança au-devant d’eux.
— Oui ! un pont de lianes, dit John Mangles. Les convicts l’ont passé, en effet. Mais…
— Mais… fit Glenarvan qui pressentait un nouveau malheur.
— Ils l’ont brûlé après leur passage ! » répondit Paganel.