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poisson de Mauwi. » L’île du Sud, c’était Tawaï-Pouna-Mou, c’est-à-dire « la baleine qui produit le jade vert[1]. »

Abel Tasman envoya ses canots à terre, et ils revinrent accompagnés de deux pirogues qui portaient un bruyant équipage de naturels. Ces sauvages étaient de taille moyenne, bruns et jaunes de peau avec les os saillants, la voix rude, les cheveux noirs, liés sur la tête à la mode japonaise et surmontés d’une grande plume blanche.

Cette première entrevue des Européens et des indigènes semblait promettre des relations amicales de longue durée. Mais le jour suivant, au moment où l’un des canots de Tasman allait reconnaître un mouillage plus rapproché de la terre, sept pirogues, montées par un grand nombre d’indigènes, l’assaillirent violemment. Le canot se retourna sur le côté et s’emplit d’eau. Le quartier-maître qui le commandait fut tout d’abord frappé à la gorge d’une pique grossièrement aiguisée. Il tomba à la mer. De ses six compagnons, quatre furent tués ; les deux autres et le quartier-maître, nageant vers les navires, purent être recueillis et sauvés.

Après ce funeste événement, Tasman appareilla, bornant sa vengeance à cingler les naturels de quelques coups de mousquet qui ne les atteignirent probablement pas. Il quitta cette baie à laquelle est resté le nom de baie du Massacre, remonta la côte occidentale, et, le 5 janvier, il mouilla près de la pointe nord. En cet endroit, non-seulement la violence du ressac, mais aussi les mauvaises dispositions des sauvages, l’empêchèrent de faire de l’eau, et il quitta définitivement ces terres auxquelles il donna le nom de Staten-Land, c’est-à-dire Terre des États, en l’honneur des états généraux.

En effet, le navigateur hollandais s’imaginait qu’elles confinaient aux îles du même nom découvertes à l’est de la Terre de Feu, à la pointe méridionale de l’Amérique. Il croyait avoir trouvé « le grand continent du Sud. »

« Mais, se disait Paganel, ce qu’un marin du dix-septième siècle a pu nommer « continent, » un marin du dix-neuvième n’a pu l’appeler ainsi ! Pareille erreur n’est pas admissible ! Non ! il y a quelque chose qui m’échappe ! »

Pendant plus d’un siècle, la découverte de Tasman fut oubliée, et la Nouvelle-Zélande ne semblait plus exister, quand un navigateur français, Surville, en prit connaissance par 35° 37′ de latitude. D’abord il n’eut pas à se plaindre des indigènes ; mais les vents l’assaillirent avec une violence extrême, et une tempête se déclara pendant laquelle la chaloupe qui por-

  1. Depuis on a reconnu que le nom indigène de toute la Nouvelle-Zélande est Teika-Maoui. Tawaï-Pouna-Mou ne désigne qu’une localité de l’île centrale.