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du capitaine grant.

avait touché une heure environ avant la pleine mer. Depuis le moment où le jusant se fit sentir, sa bande sur tribord s’était de plus en plus accusée. À six heures du matin, à la mer basse, elle atteignait son maximum d’inclinaison, et il parut inutile d’étayer le navire au moyen de béquilles. On put ainsi conserver à bord les vergues et autres espars que John destinait à établir un mât de fortune sur l’avant.

Restaient à prendre les positions pour renflouer le Macquarie. Travail long et pénible. Il serait évidemment impossible d’être paré pour la pleine mer de midi un quart. On verrait seulement comment se comporterait le brick, en partie déchargé, sous l’action du flot, et à la marée suivante on donnerait le coup de collier.

« À l’ouvrage ! » commanda John Mangles.

Ses matelots improvisés étaient à ses ordres.

John fit d’abord serrer les voiles restées sur leurs cargues. Le major, Robert et Paganel, dirigés par Wilson, montèrent à la grand’hune. Le grand hunier, tendu sous l’effort du vent, eût contrarié le dégagement du navire. Il fallut le serrer, ce qui se fit tant bien que mal. Puis, après un travail opiniâtre et dur à des mains qui n’en avaient pas l’habitude, le mât du grand perroquet fut dépassé. Le jeune Robert, agile comme un chat, hardi comme un mousse, avait rendu les plus grands services pendant cette difficile opération.

Il s’agit alors de mouiller une ancre, deux peut-être, à l’arrière du navire et dans la direction de la quille. L’effort de traction devait s’opérer sur ces ancres pour haler le Macquarie à marée haute. Cette opération ne présente aucune difficulté, quand on dispose d’une embarcation ; on prend une ancre à jet, et on la mouille au point convenable qui a été reconnu à l’avance. Mais ici, tout canot manquait, et il fallait y suppléer.

Glenarvan était assez pratique de la mer pour comprendre la nécessité de ces opérations. Une ancre devait être mouillée pour dégager le navire échoué à mer basse.

« Mais sans canot, que faire ? demanda-t-il à John.

— Nous emploierons les débris du mât de misaine et des barriques vides, répondit le jeune capitaine. L’opération sera difficile, mais non pas impossible, car les ancres du Macquarie sont de petite dimension. Une fois mouillées, si elles ne dérapent pas, j’ai bon espoir.

— Bien, ne perdons pas de temps, John. »

Tout le monde, matelots et passagers, fut appelé sur le pont. Chacun prit part à la besogne. On brisa à coups de hache les agrès qui retenaient encore le mât de misaine. Le bas mât s’était rompu dans sa chute au ras du ton, de telle sorte que la hune put être facilement retirée. John Man-