couvrant le corps du meurtrier, de l’autre, il contint la foule qui se ruait sur les enfants.
Enfin sa voix domina le tumulte.
« Tabou ! Tabou ! » s’écria-t-il.
À ce mot, la foule s’arrêta devant Glenarvan et ses compagnons, momentanément préservés par une puissance surnaturelle.
Quelques instants après, ils étaient reconduits au Waré-Atoua, qui leur servait de prison. Mais Robert Grant et Jacques Paganel n’étaient plus avec eux.
CHAPITRE XII
LES FUNÉRAILLES D’UN CHEF MAORI.
Kai-Koumou, suivant un exemple assez fréquent dans la Nouvelle-Zélande, joignait le titre d’ariki à celui de chef de tribu. Il était revêtu de la dignité de prêtre, et, comme tel, il pouvait étendre sur les personnes ou sur les objets la superstitieuse protection du tabou.
Le tabou, commun aux peuples de race polynésienne, a pour effet immédiat d’interdire toute relation ou tout usage avec l’objet ou la personne tabouée. Selon la religion maorie, quiconque porterait une main sacrilège sur ce qui est déclaré tabou, serait puni de mort par le Dieu irrité. D’ailleurs, au cas où la divinité tarderait à venger sa propre injure, les prêtres ne manqueraient pas d’accélérer sa vengeance.
Le tabou est appliqué par les chefs dans un but politique, à moins qu’il ne résulte d’une situation ordinaire de la vie privée. Un indigène est taboué pendant quelques jours, en mainte circonstance, lorsqu’il s’est coupé les cheveux, lorsqu’il vient de subir l’opération du tatouage, lorsqu’il construit une pirogue, lorsqu’il bâtit une maison, quand il est atteint d’une maladie mortelle, quand il est mort. Une imprévoyante consommation menace-t-elle de dépeupler les rivières de leurs poissons, de ruiner dans leurs primeurs les plantations de patates douces, ces objets sont frappés d’un tabou protecteur et économique. Un chef veut-il éloigner les importuns de sa maison, il la taboue ; monopoliser à son profit les relations avec un navire étranger, il le taboue encore ; mettre en quarantaine un trafiquant européen dont il est mécontent, il le taboue toujours. Son interdiction ressemble alors à l’ancien « veto » des rois.