Page:Verne - Les Enfants du capitaine Grant.djvu/56

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beau pays que l’Inde ; il offre aux voyageurs des surprises merveilleuses ; les dames ne le connaissent pas sans doute… Eh bien, l’homme de la barre n’aurait qu’à donner un tour de roue, et le yacht le Duncan voguerait aussi facilement vers Calcutta que vers Concepcion ; or, puisqu’il fait un voyage d’agrément… »

Les hochements de tête qui accueillirent la proposition de Paganel ne lui permirent pas d’en continuer le développement. Il s’arrêta court.

« Monsieur Paganel, dit alors lady Helena, s’il ne s’agissait que d’un voyage d’agrément, je vous répondrais : Allons tous ensemble aux Grandes-Indes, et lord Glenarvan ne me désapprouverait pas. Mais le Duncan va rapatrier des naufragés abandonnés sur les côtes de la Patagonie, et il ne peut changer une si humaine destination… »

En quelques minutes, le voyageur français fut mis au courant de la situation ; il apprit, non sans émotion, la providentielle rencontre des documents, l’histoire du capitaine Grant, la généreuse proposition de lady Helena.

« Madame, dit-il, permettez-moi d’admirer votre conduite en tout ceci, et de l’admirer sans réserve. Que votre yacht continue sa route, je me reprocherais de le retarder d’un seul jour.

— Voulez-vous donc vous associer à nos recherches ? demanda lady Helena.

— C’est impossible, Madame, il faut que je remplisse ma mission. Je débarquerai à votre prochaine relâche…

— À Madère alors, dit John Mangles.

— À Madère, soit. Je ne serai qu’à cent quatre-vingts lieues de Lisbonne, et j’attendrai là des moyens de transport.

— Eh bien, monsieur Paganel, dit Glenarvan, il sera fait suivant votre désir, et pour mon compte je suis heureux de pouvoir vous offrir pendant quelques jours l’hospitalité à mon bord. Puissiez-vous ne pas trop vous ennuyer dans notre compagnie !

— Oh ! mylord, s’écria le savant, je suis encore trop heureux de m’être trompé d’une si agréable façon ! Néanmoins, c’est une situation fort ridicule que celle d’un homme qui s’embarque pour les Indes et fait voile pour l’Amérique ! »

Malgré cette réflexion mélancolique, Paganel prit son parti d’un retard qu’il ne pouvait empêcher. Il se montra aimable, gai et même distrait ; il enchanta les dames par sa bonne humeur ; avant la fin de la journée, il était l’ami de tout le monde. Sur sa demande, le fameux document lui fut communiqué. Il l’étudia avec soin, longuement, minutieusement. Aucune autre interprétation ne lui parut possible. Mary Grant et son frère lui in-